Ils améliorent souvent leur soupe de nouilles en l’accompagnant d’autres produits achetés à la cafétéria. Des chips ou des morceaux de barbaque. Si les ramen sont une bonne option contre la faim, on s'en sert également comme monnaie d’échange depuis que certaines prisons ont interdit les clopes en 2014.Dans les centres de détentions américains, on trouve autant de nouilles déshydratées que de problèmes de santé chroniques. L’hypertension artérielle, le diabète et les problèmes cardiaques touchent la population carcérale bien plus que le reste des États-Unis.Freeman, qui a créé une marque de gombo surgelé après sa sortie de prison, en 1998, voit un lien de causalité entre la nourriture de mauvaise qualité que l’on trouve en prison – les repas proposés à la cantine ou les plats emballés vendus à la cafétéria – et les problèmes de santé qui ont touché certains de ses codétenus.Si les ramen sont une bonne option contre la faim, on s'en sert également comme monnaie d’échange depuis que certaines prisons ont interdit les clopes en 2014.
Ron Freeman : À l’extérieur, dans le monde libre, les gens se font une idée de ton statut en fonction du véhicule que tu conduis, des vêtements que tu portes ou du quartier dans lequel tu vis. En prison, tout tourne autour de la cafétéria. Le mec qui gère son truc, il a de l’argent dans la rue, et ici, il se débrouille parce qu’il peut s’acheter de quoi manger. On pouvait voir comment ça se passait pour un détenu en fonction de ce qu’il avait dans sa cellule, sous son lit, ou autre. S’il avait des ramen, alors c’est que ça roulait pour lui.
Quand je suis sorti de prison, je me suis mis à réfléchir à ma vie. Qu’est-ce que j’allais pouvoir faire ? J’avais un casier judiciaire. Une famille dont je devais m’occuper. J’avais deux jeunes enfants et une femme. Je me suis dit : « Qu’est-ce que je peux faire pour ma famille ? Comment rester loin de la prison tout en ayant une activité qui me maintienne à flot ? »J’ai finalement ouvert un cyber café. Au sous-sol, il y avait un restaurant. On s’est dit que c’était un bon plan. Les gens pouvaient descendre manger leurs trucs, puis remonter et jouer aux jeux vidéo. Je me suis peu à peu spécialisé dans la bouffe typique de la Louisiane et le gombo. Au bout de quelques années, j’ai décidé qu’il était temps de tenter un truc. Je voulais pousser jusqu’au niveau supérieur. J’ai contacté quelques épiciers et j’ai commencé à vendre mes plats chez eux.
Je dis souvent que c’est Dieu qui est venu me trouver et qu’il m’a dit : « Je veux que tu prépares ces ramen. »Je suis croyant et il m’arrive de prier. Je ne suis pas un religieux fanatique, mais je crois en Dieu, et je crois qu’il a un dessein pour chacun de nous. Avec mon fils, on a commencé à traverser une période difficile. Le restaurant tournait, mais il ne rapportait pas beaucoup d’argent. Il arrivait qu’on soit contraint de manger des ramen. Je me souviens de ce jour, je ne sais plus si c’était dans un rêve ou juste après le réveil, mais je l’ai su immédiatement, comme une révélation, il fallait que je descende et que je teste les nouilles au gombo. Au fond de mon cœur, j’avais entendu Dieu me dire : « Tu sais quoi, je veux que tu prépares des nouilles au gombo. »
Je suis descendu, j’ai pris un peu de ma sauce au gombo et je l’ai versée sur les nouilles sans utiliser le sachet d’assaisonnement. J’ai pris une bouchée, et là, c’était un festival de goût et de saveurs. Absolument délicieux. Et d’une simplicité… J’avais simplement remplacé le riz, qu’on sert généralement en accompagnement du gombo, par des ramen.« Les ramen contiennent beaucoup de sel. Je me suis dit qu'il fallait donc diminuer la dose et compenser en leur donnant plus de goût. Ensuite, j'allais pouvoir proposer ça au gars en prison »
L’idée a fait son chemin. Et à mesure que j'y pensais, je me disais qu'on pouvait aussi filer un coup de main à certaines personnes. Les ramen sont très salées. Je me suis dit qu'on allait réduire la dose et compenser avec le goût. Et que j'allais pouvoir les proposer aux gars en prison.Moi : « Je réfléchis à l’idée de préparer ces ramen, mais c’est ridicule. C’est des plans sur la comète. »
L’épicier : « Ron, je fais ce métier depuis 25 ans. Crois-moi, si tu arrives à pondre ce truc et à le servir, ça va faire un malheur. Je rêve de voir des ramen différents parce que j’en ai marre d’avoir toujours les mêmes goûts. »
Au lieu de les vendre dans les épiceries et autres magasins, je voulais essayer les prisons. Je sais qu'il y a des mecs qui souffrent de graves problèmes d’hypertension et de tout un tas d’autres merdes. J’ai demandé qu’on me laisse bosser sur un truc plus sain et plus savoureux. J’ai fait mes petites recherches et j’ai découvert une boîte qui avait une usine en Chine. Je les ai contactés et ils ont dit qu’ils m’aideraient à développer les goûts et tout ce qui allait avec.« La première fois que j'ai vu les échantillons, je crois que j'ai pleuré comme un bébé pendant environ dix minutes. C'était pour de vrai. Je pouvais ouvrir un paquet de nouilles et les manger. Elles avaient le goût que j'avais créé. »
J’ai demandé à mon associé de contacter les prisons avec notre maquette. Je lui ai dit : « Dave, va leur parler et vois s’ils seraient intéressés par nos produits. Je ne veux pas me lancer dans cette histoire s’ils ne veulent pas les acheter. » Et quand il m’a rappelé, il m’a dit « Ron, c’est parti ! Lance la machine et prépare tes ramen. Ils les achètent ! » Moi : « T’es sérieux ? » Et il m’a dit : « Ouais, mec. Envoie du bois, j’ai conclu le deal. »
Ça va me donner l’opportunité de montrer aux mecs qui ont vécu les mêmes épreuves que moi, qui ont les mêmes problèmes que moi, qui parlent peut-être aussi comme moi, que la vente de drogue n’est pas un horizon indépassable. Les dealers ne sont pas les seuls entrepreneurs à succès. Il existe d’autres alternatives. Et le procédé est à peu près le même : tu achètes un truc en grandes quantités, tu le retravailles et tu trouves des clients qui te l’achètent. C’est le même délire qu’avec la dope, mais c’est légal.
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