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​Le joueur de Ligue 1 VICE Sports du weekend : Kamil Grosicki

Un but et une passe décisive ce weekend pour le Rennais, le joueur le plus post-punk de la Ligue 1.

Kamil Grosicki a beau avoir joué tous les matches depuis le début de la saison, il ne cumule que 571 minutes de temps de jeu. Trente-huit minutes par match en moyenne. Le Rennais est en effet ce qu'on appelle un "supersub", le remplaçant qu'on fait rentrer à chaque fois en fin de match pour essayer de changer la donne. Une grande tradition dont le plus emblématique représentant était Ole Gunnar Solskjaer période Man U. Son plus grand fait d'armes : son but victorieux dans les arrêts de jeu de la finale de Ligue des champions 1999 qui permit à Manchester de battre le Bayern Munich (2-1). Solskjaer était entré à la 81e minute, et a fait croire à tous les entraîneurs du monde que la tactique du supersub était une tactique viable.

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On ne peut pas trop contredire Philippe Montanier quand on voit le rendement de Grosicki depuis le début de la saison : 5 buts en 571 minutes de jeu. Un ratio parmi les meilleurs de la Ligue 1. Mais le match de Grosicki face au Stade de Reims pourrait le faire changer d'avis. Pour une fois, Kamil était titulaire. Dans ce qui devait être l'un des matches les plus passionnants de cette quinzième journée, il a d'abord fait marquer son premier but de la saison à Jérémie Boga en déviant subtilement le ballon de la poitrine. L'attaquant prêté par Chelsea s'est ensuite chargé de la finition après avoir fait un grand pont à Franck Signorino - et au respect par la même occasion - à l'entrée de la surface.

C'était juste avant la mi-temps. Après ça, Reims-Rennes s'est transformé en match de bouchers et de solistes. Mandi a réduit le score, la scie sauteuse de Tbilissi Jaba Kankava s'est récoltée deux cartons jaunes en dix secondes, Olivier Guégan a été renvoyé en tribunes et Nicolas de Préville a foutu la honte à Benoît Costil. Et puis, Kamil Grosicki a remis tout le monde d'accord dans son quart d'heure préféré des matches, le dernier. Une astucieuse frappe décroisée après un débordement de Dembélé. 2-2, score final.

Kamil a ainsi démontré que, malgré ce qu'on pourrait croire au vu de son teint blafard et de ses cernes de dix kilos, il était capable de jouer 90 minutes d'affilée et d'être productif. Ça n'a pas toujours été le cas, évidemment. La saison dernière, le Polonais a un peu galéré parmi la tripotée d'ailiers et d'attaquants que collectionne le Stade rennais. À part Paul-Georges Ntep, intouchable, Rennes semble aimer empiler les milieux offensifs/attaquants interchangeables avec Sio, Quintero, Doucouré, Dembélé, Boga, Pedro Henrique, parfois Baal ou Moreira, Grosicki donc, ou encore l'inénarrable Habib Habibou. Pour se faire une place, il faut se faire remarquer par son personal branding.

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Le style esthétique de l'ailier ferrailleur se joue donc dans une sorte de folie post-punk toute slave, à base de technique froide et de dribbles tranchants. Pas étonnant que Grosicki soit allé à Rennes, la capitale française des punks à chiens. À quelques nuances près : Kamil semble plus nihiliste que zadiste, plus Iceage ou Holograms que les Têtes Raides. Il partagera volontiers sa Maximator place Sainte-Anne mais ne comptez pas sur lui pour refaire le monde. Kamil a depuis longtemps fait une croix sur l'optimisme.

Depuis 2007 en fait. C'est là que les démons de Grosicki sont apparus. A 19 ans, le jeune Polonais signe au Legia Varsovie. Mais Kamil a un gros problème : une addiction au jeu. Et pas au jeu du football a priori. Au black jack ? Au bingo ? À l'amigo ? Au numéro fétiche ? Ça, sa fiche Wikipédia ne nous le dit pas, mais toujours est-il que cette pathologie semble assez sévère pour le faire aller en cure de désintoxication à Hawaï fin 2007. Comme une vraie rock star.

Kamil avec un adepte de la bagarre : l'ancien champion du monde de boxe mi-lourds polonais Andrzej Fonfara.

Il est ensuite prêté au FC Sion pour une demi-saison où son comportement nihiliste ne l'aide pas à se faire une place dans l'équipe. Il arrive en retard aux entraînements, sûrement parce qu'il avait passé la nuit dans des usines désaffectées, à se mettre sur la gueule avec d'autres partisans du No Future, dans des fight clubs qui sentent la sueur et la violence, où Unknown Pleasures de Joy Division passe en boucle. On imagine en tout cas. Il fait aussi deux accidents de voiture durant cette période suisse, alors qu'il n'a pas le permis. Bien ouéj.

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Après, ça ira un peu mieux pour Grosicki. Il revient en première division polonaise, au Jagiellonia Białystok, un club au nom aussi prononçable qu'il est connu. Il s'impose comme l'un des joueurs majeurs de l'équipe, mais son mode de vie pose encore question. Il arrive en effet quelques fois en état d'ébriété à l'entraînement, ce qui n'est généralement pas très compatible avec la pratique du football, en tout cas professionnellement.

Après il tentera sa chance à Sivasspor en Turquie, en 2011, où il fera des bonnes saisons et des moins bonnes, avant de poser problème à cause de son statut de joueur étranger, les clubs turcs devant respecter un quota à partir de la saison 2013-2014. Il signe alors à Rennes en janvier 2014.

Grosicki semble depuis s'être assagi, même s'il peut encore montrer par intermittence qu'il faut pas le faire chier. Comme en septembre 2014, avant un match face à Toulouse, où il lâche sur Twitter : « Mais qu'est-ce qu'il se passe dans ce club ? Je pensais jouer aujourd'hui et je ne suis même pas dans les 18. Je n'ai aucun problème avec mon dos. » Philippe Montanier n'a pas trop aimé le débordement punk de son joueur, paraît-il.

Mais aujourd'hui, Grosicki semble avoir fait la paix avec ses démons. Il fait même des trucs trop mignons, comme quand, après avoir inscrit un but avec la Pologne le 17 novembre dernier, il a rendu hommage aux victimes des attentats de Paris avec un T-shirt "Pray for Paris".

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Mais c'est surtout sur le terrain qu'il a changé, jusqu'à marquer des buts de récipiendaire du Puskas Award. Comme contre Bordeaux lors de la 14e journée, où il a achevé Carrasso d'une frappe superbe du gauche à l'entrée de la surface.

Il faudra donc compter avec le keupon polonais durant cette saison de Ligue 1. S'il reste évidemment, ce qui n'est pas joué d'avance. Parce que Kamil a dans son viseur l'Euro de l'été prochain. Ça peut paraître bizarre quand on voit les quarts d'heure que le laisse jouer Montanier avec Rennes, mais Grosicki est un taulier de l'équipe de Pologne, présent depuis 2008 (mais seulement 35 sélections), parfait complément de Lewandowski. On met une pièce sur lui pour se révéler en juin prochain et signer après à Manchester. Parce que c'est la capitale du post-punk.

Adrien est sur Twitter.