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Les rats et les singes ont droit à leur propre réalité virtuelle

Et elle pourrait bien révolutionner notre compréhension du cerveau.

Les chercheurs ont désormais l'opportunité de construire des mondes en réalité virtuelle pour les besoins de la recherche clinique, mais aussi pour la recherche animale (sur les rats et les singes, par exemple). Cela ouvre la voie à la recherche transspécifique sur le cerveau, un domaine qui n'avait jamais été investi jusqu'alors.

Les neuroscientifiques utilisent régulièrement des animaux non-humains pour étudier le cerveau, mais leurs résultats ne sont pas toujours applicables aux humains. C'est le principal problème des modèles animaux, explique Julio Martinez-Trujillo, du célèbre Brain and Mind Institute de London, au Canada. On ne peut pas lâcher des humains dans un labyrinthe comme on le ferait avec des rats : il faudrait utiliser un espace de la taille d'un immeuble, et surveiller l'activité cérébrale des sujets deviendrait alors très difficile.

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« L'un des défis des neurosciences est de rapprocher la recherche animale de la recherche médicale, » ajoute Martinez-Trujillo. « L'une des façons d'y parvenir est d'utiliser les outils que nous fournit le jeu vidéo. »

Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Journal of Neuroscience Methods, une équipe de neuroscientifiques (dont Martinez-Trujillo, Roberto Gulli et Guillaume Doucet, affilié à l'Université McGill et possédant des compétences en animation 3D) décrivent un ensemble de nouveaux outils conçus pour la réalité virtuelle. Ils peuvent à la fois s'appliquer au développement de jeux et aux mondes virtuels adaptés à la recherche sur le cerveau.

Les jeux vidéos et la réalité virtuelle ont déjà été utilisés dans le cadre d'études sur les animaux, explique Doucet. Mais dans ces cas précis, « la réalité virtuelle était conçue pour les rats, et il était impossible de tirer des conclusions sur les autres espèces à partir des résultats de l'étude. La plupart des expériences en neurosciences utilisent MATLAB ou Python. Ces langages n'ont pas été conçus pour l'animation 3D ni la RV, j'ai donc dû utiliser un moteur de jeu et des scripts qui pouvaient être adaptés à mes expériences, » ajoute-t-il.

En d'autres mots, les chercheurs ont bâti un pont entre les vidéos à 360° et les environnements en réalité virtuelle destinés à la recherche en neurosciences. Grâce à la RV, les humains et les animaux seront étudiés dans les mêmes conditions expérimentales, ce qui permettra de faire des extrapolations moins biaisées à partir des résultats expérimentaux.

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Un singe jouant à un jeu vidéo. L'activité cérébrale de l'hippocampe est enregistrée tandis que le sujet s'oriente dans un monde en RV. Le point noir indique la direction du regard du singe sur l'écran. Credit: Cognitive Neurophysiology Laboratory/Western University

Doucet et son équipe ont utilisé le moteur de jeu Unreal Engine 3, que l'on trouve d'ordinaire dans les jeux vidéo récents à gros budget. C'est ce qui permet de « gérer l'environnement virtuel, » affirme Doucet, et de s'assurer qu'il aura un aspect suffisamment réaliste.

« Nous avons créé une sorte d'interface entre notre programme expérimental et le langage du jeu, » explique Gulli.

Même si leur système n'a pas encore été testé au sein d'études rigoureuses, l'équipe a déjà commencé à travailler avec des singes. « Nous avons créé un monde dans lequel les singes peuvent naviguer, et dont ils garderont des souvenirs précis, » ajoute-t-il.

Tandis que les singes explorent le labyrinthe, ils doivent dénicher des indices leur donnant des indications ce qu'il doivent faire : par exemple, les couleurs des murs peuvent changer pour dire au singe de tourner à gauche ou à droite.

Les singes ne portent pas de casques de RV, précise Gulli, mais peuvent mettre des lunettes 3D. « ils sont assis devant un écran, et se déplacent à l'aide d'un joystick. « Pour eux, tout est très intuitif. Ils apprennent à utiliser le joystick en quelques minutes seulement. » Selon Martinez-Trujillo, l'étude devrait bientôt être réalisée sur des humains.

Les neuroscientifiques sont passionnés par l'étude comparée des réactions humaines et animales à la réalité virtuelle, d'autant plus que cette dernière constitue un substitut expérimental très efficace aux situations réelles. Cela permettra de faire beaucoup d'économies en construction de labyrinthe.