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Music

Arrêtez de nous bassiner avec le retour de la jungle : elle n'est jamais partie

Par pitié, ressaisissez-vous.

Ils sont là, à votre porte, ces blogueurs rachitiques aux yeux révulsés, ils en sont convaincus, ils en sont certains, ils le sentaient depuis l’instant où ils ont écouté l’album de Special Request et les derniers morceaux de Tessela : la jungle est de retour. Pour de bon. Cool, les gars. Bien vu. Sauf que voilà, même si je suis d’accord pour dire que l’album de Special Request était une grosse déchirade et que, joué en situation, sur de bonnes enceintes, le « Hackney Parrot » de Tessela peut clairement être considéré comme le morceau club le plus définitif de 2013, il y a tout de même un souci : des morceaux jungle, il en sort tous les ans. La jungle n’est donc pas de retour, pour la simple est bonne raison qu’elle n’est jamais partie.

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Les scènes et les courants musicaux ne ressuscitent pas par magie, juste parce que trois producteurs ont balancé une paire de morceaux. Personne ne parlera jamais de 2013 comme l’année où la jungle est revenue dans le paysage musical international. Et il n’y a pas de raisons pour que cela change en 2014. L’an dernier, on a pu écouter d’excellentes choses, comme le Alternate/Endings de Lee Bannon, Vapor City de Machine Drum, ou Threads de Om Unit, qui recyclaient habilement les gimmicks hardcore et jungle tout en introduisant des choses très personnelles. On a pu voir des gens s’exciter de manière insensée sur des disques très moyens, juste parce qu’ils étaient l’œuvre de légendes de la jungle, comme Congo Natty, alias Rebel MC, alias un des plus grands super-héros du genre, mais qui est désormais loin, très loin, de son heure de gloire et des hymnes que furent « Original Ses » ou « Junglist Soldier ».

Mais c’était déjà le cas en 2010, avec le remix du « Riot Music » de Donaeo par Skream, le « Something To Lose » de Dark Sky, ou « Don’t Change For Me » de Ramdanman. Autant de titres puisant leur inspiration dans la scène hardcore du début 90, et pourtant totalement actuels. Et personne ne s’est levé cette année-là pour agiter les drapeaux célébrant le retour des lions de la jungle dans la société-internet.

En 2008, on s’est tous –et c’est bien légitime– arrachés sur leWhere Were U in 92? de Zomby, un album entièrement dédié aux sons de la scène club anglaise de l’époque, avec suffisamment de cornes de brumes, de rewinds et de voix accélérées pour mettre la guerre à un hangar bourré de pillheads en baggys camouflage. Là encore, personne n’est venu la ramener avec le retour du ‘ardkore et de la proto-jungle ultra-vénère. Le disque a été pris pour ce qu’il était : un hommage au passé, revisité avec style par le jeune producteur anglais.

Le truc le plus pénible avec ce « retour de la jungle », c’est que les nuées de jeunes mecs férus de techno chiante qui portent Special Request aux nues, font preuve d’un sectarisme aussi vain qu’artificiel en limitant ce « renouveau » à des disques référentiels, faits par des types qu’ils ont déjà croisés dans d’autres registres (autre exemple : Lee Gamble). Le phénomène n’a rien de particulièrement étonnant. Nous avons tous nos petites certitudes et nos préjugés, sur des choses qu’on connaît souvent mal, voire pas du tout. Mais parler de « revival jungle », comme si le genre était mort et venait d’être subitement rebooté- est parfaitement insultant pour les gens qui ont font vivre cette scène dans l’ombre depuis 20 ans.

Patrick Carnegy est sur Twitter - @patrickcarnegy