Avec les queers latinos de la côte est

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Avec les queers latinos de la côte est

Alexis Ruiseco a photographié la communauté LGBT americano-cubaine de New York et Miami.

Autoportrait. Toutes les photos sont de Alexis Ruiseco

J'ai rencontré Alexis Ruiseco lors d'une lecture de portfolios à Parsons. C'est un artiste, acteur et réalisateur new-yorkais. Même s'il vient tout juste d'obtenir son Bachelor of Fine Arts, il est plus qu'évident qu'il a un véritable don et une passion pour explorer des sujets tels que la sexualité, l'identité et le traumatisme. Son œuvre est composée d'autoportraits jouant avec les notions de genre et des clichés illustrant la culture queer de Miami et New York. Ses photos sont à la fois spontanées et artistiquement riches. Ci-dessous, retrouvez un extrait de sa série Reinas – terme espagnol pour « Reines » – ainsi qu'une brève entrevue en sa compagnie.
Elizabeth Renstrom, Photo Editor de VICE

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VICE : Depuis quand photographiez-vous les membres de la communauté queer ?
Alexis Ruiseco : J'ai commencé à photographier les performeurs queer en janvier 2013 à Miami. J'ai découvert cette communauté au Azucar Nightclub, puis j'ai rencontré TP Lords, le performeur avec qui je travaille tous les jeudis. Il m'a ensuite présenté Erika Norel et Daisy Deadpetals. Grâce à eux, j'ai pu côtoyer toute la communauté queer du sud de la Floride. Pendant cinq mois, j'allais et venais au Azucar et au Off the Hookah pour photographier les coulisses et les spectacles. Mon approche artistique ressemblait davantage à celle d'un voyeur sensible à ce mouvement. Je cherchais à apporter une résonance à cette sensibilité.

Au mois de juillet de la même année, je déménageais à New York. J'ai alors voulu savoir si les performances des artistes débordaient sur leur vie quotidienne. C'est pourquoi j'ai eu l'idée de prendre des photos à leur domicile. Je m'intéresse beaucoup à la psychologie de la transformation et il m'arrivait souvent de regarder comment les autres exprimaient des idées similaires. Pour moi, le plus important est de prendre en compte la volonté de représentation de la personne photographiée, savoir qui elle veut être car les désirs des communautés sous-représentées ne sont pas souvent pris en considération. Les portraits devaient exprimer un élément de complicité pour donner à chacune de ces voix queer de la puissance et de la profondeur.

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À votre avis, où ce projet va-t-il vous mener ?
J'ai passé trois ans et demie sur cette série. Je la vois un peu comme le fondement pour développer mes compétences en photographie. Ma capacité à inventer des scénarios et à jouer avec l'appareil photo pour réaliser mes portraits et autoportraits sont autant de matière justifiant ma préoccupation pour la féminité, l'identité personnelle et les moyens par lesquels la sexualité contribue à la construction identitaire. Je continuerai à photographier les queers car nous sommes peu à le faire dans notre communauté ; je constate souvent un refus de la part de la société normative qui rejète et n'accepte pas que de telles identités puissent exister. Je cherche à provoquer des réactions et parler ouvertement de l'oppression subie par ceux qui ne vivent pas selon les codes « masculins ».

Toutefois, la conversation peut aussi s'étendre à une échelle plus large. Je suis l'un des porte-parole de cette culture queer au cœur d'une discussion beaucoup plus étendue, en dehors de ma simple personne et de ma communauté.

Sur quoi porteront vos prochaines séries ?
Je suis actuellement en pleine recherche pour ma prochaine série à Cuba. J'ai réussi à organiser un voyage avec The Cuba one Foundation.  Je corresponds avec un activiste, Rafael Suri, du CENESEX (une association LGBTQ cubaine) qui m'aidera à photographier l'esthétique queer sur l'île. Mon père réside encore là-bas (il est resté après mon déménagement en 1995), donc j'ai un accès unique à la vie d'un vrai Cubain dans la société post-révolutionnaire. Ces deux analyses me permettront d'explorer l'identité cubaine, le machisme et le rejet symbolique des genres traditionnels à travers ma série de clichés. En tant qu'exilé, je peux vous dire que je suis vraiment impatient de me reconnecter avec ma culture dans un pays qui subit actuellement des changements majeurs.

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Autoportrait

Où puisez-vous vos influences ?
J'ai étudié les performances de David Bowie pendant des années, en insistant sur la façon dont il explorait sa sexualité. Ses mises en scène m'aident pour diriger ma transformation et transporter une présence forte dans la scénographie de mes photos. Je suis aussi focalisé sur « la méthode » du jeu d'acteur pour intégrer une part de théâtralité et de profondeur émotionnelle dans mes clichés. Je reste toujours fasciné par les acteurs, les écrivains, les réalisateurs et les musiciens, surtout par leur sexualité. Les natures théâtrales de personnalités telles que Lady Gaga, Almodovar ou Freddy Mercury influencent davantage mon travail que les photographes. Je m'inspire plus du cinéma, du théâtre et de la peinture que de la photographie. Cependant, je suis très sensible au style de Helmut Newton et de sa préoccupation envers les femmes. En ce moment, l'étude de Deana Lawson sur la sexualité, la violence, la famille et le statut social m'aide beaucoup à organiser mes idées pour ma série sur Cuba.

Alexis Ruiseco est un photographe cubain basé à Brooklyn. Retrouvez ses travaux ici.