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Les Mystères de l'Art

81 minutes, 13 œuvres d’art et 500 millions de dollars : l’énigme du plus gros casse de musée de l’histoire des États-Unis

Chaque semaine, on revient pour vous sur les plus grands vols de l'Histoire de l'art.

Ils n'ont pas tout à fait le charisme de James Bond ni même la classe de Fantômas, mais un culot bien à eux qui les a élevés au rang des cambrioleurs de musée les plus célèbres de l'Histoire de l'art.

« Belle ». C'est comme ça qu'on surnommait Isabella Stewart Gardner, la richissime Bostonienne qui fit construire au début du XXe siècle le palace de style vénitien dans lequel elle vécut et aménagea ce qui est encore aujourd'hui le très admiré Gardner Museum. Les quelque 2500 trésors qu'elle a collectés toute sa vie durant y sont toujours exposés tel qu'elle l'avait souhaité et rien n'a pu être déplacé même après sa mort en 1924. Rien ou presque, car le 18 mars 1990 sa volonté allait être bafouée.

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Juste après les douze coups de minuits, deux cambrioleurs déguisés en agents de police pénètrent dans le musée fermé. À l'entrée du bâtiment, ils persuadent le veilleur de nuit de leur ouvrir, affirmant avoir été appelés pour vérifier une « anomalie ». En quelques minutes, ils neutralisent les deux gardiens présents ce soir-là, débranchent l'alarme et commencent un shopping à 500 millions de dollars. Pendant 81 minutes, ils vont découper, briser des vitres, desceller, puis disparaître avec un butin inestimable : trois Rembrandt (dont Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée), Le Concert de Vermeer, trois dessins de Degas, Chez Tortoni de Manet, un aigle en plaqué bronze ayant appartenu à Napoléon, ainsi qu'un vase de la dynastie Shang. Curieusement, ils laissent derrière eux des œuvres bien plus précieuses, notamment La Piéta de Raphael qui se trouvait pourtant juste à côté des Degas… Mais peu importe, ils disparaissent. Littéralement. Pendant 25 ans. Il ne reste de leur larcin que cette vidéo de surveillance où on les voit entrer puis sortir.

Avec l'aide des autorités étrangères, le FBI va poursuivre pendant un quart de siècle des milliers de pistes partout dans le monde, notamment en Europe et au Japon. En avril 1994, ils croient tenir une piste. Le musée reçoit une lettre anonyme proposant l'échange du larcin contre 2,6 millions de dollars et l'immunité totale pour les voleurs. Les autorités devaient répondre via un code secret dans le journal de la ville, le Boston Globe, à la rubrique des taux de change de la lire italienne. Après ça, plus rien, si ce n'est l'idée que la mafia italo-américaine pourrait être impliquée dans le vol, hypothèse que les enquêteurs n'ont jamais pu prouver… Trois ans plus tard, un journaliste de l'Herald Tribune de Boston qui travaillait sur l'enquête est emmené dans un entrepôt de Brooklyn où son informateur — un marchand d'antiquité véreux forcé de collaborer avec le FBI — lui aurait montré ce qui semblait être La Tempête de Rembrandt. Les négociations qui ont suivi avec l'informateur n'ont jamais abouties et le tableau jamais revu après cette visite éclair. Le temps passant, le musée a offert une récompense de 5 millions de dollars à quiconque ramènerait les œuvres en bon état, espérant sans doute convaincre quelqu'un de retourner sa veste dans le camp des méchants. Mais toujours rien.

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Rembrandt, Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, 1633

Pendant toutes ses années, le FBI a prétendu de temps à autre avoir découvert l'identité des coupables sans qu'aucun nom n'ait jamais été révélé ni aucune arrestation faite. De toute façon, même si les voleurs venaient à être attrapés après plus de vingt-cinq ans, ils bénéficieraient du délai de prescription garanti par la loi américaine et ne pourraient plus être poursuivis. Le musée, qui espère toujours le retour de ses précieux rejetons, a préféré ne pas décrocher les cadres vides qui ornent encore aujourd'hui ses murs. Treize emplacements vides et autant de stigmates de ce qui reste encore aujourd'hui le plus gros casse de toute l'histoire américaine en matière d'art. Aucune de ces œuvres n'a jamais refait surface, que ce soit sur un marché public ou clandestin.

La cour du Gardner Museum de Boston

Ce n'est que mon humble avis, mais je ne serais pas surprise qu'on retrouve un jour par hasard Le Concert de Veermer dans un restaurant de la pègre italo-américaine du North End de Boston.

Lucie Etchebers-Sola enquête en ligne et sur Twitter.