Pourquoi le Tomorrowland français version Laurent Wauquiez est une excellente nouvelle
Photo d'origine : Romain Lafabregue / AFPPhotomontage : Lisa Pham

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Pourquoi le Tomorrowland français version Laurent Wauquiez est une excellente nouvelle

Tout le monde tombe sur le patron des Républicains, et on trouve ça scandaleux.
Marc-Aurèle Baly
Paris, FR

La semaine dernière, on apprenait que notre Laurent Wauquiez national (le seul, l'unique) allait financer la version française à l'Alpe d'Huez du non moins fameux festival belge d'EDM Tomorrowland (soit la Mecque des bros-pipasses à tanga jaune fluo, pour ceux qui ne seraient pas familiers de l'institution). Jusqu'ici, outre l'équation Wauquiez + musique infernale + station de ski de retraités finis au blanc limé à 17 balles sur poudreuse, on pensait qu'il n'y avait pas vraiment de quoi s'indigner outre mesure - dans le sens indignation Internet, c'est-à-dire celle qui s'offusque de tout et n'importe quoi, au jour le jour et sans portée aucune. Car en effet, ce n'est ni la première ni la dernière fois que « nos régions » financent des festivals à la con, il n'y a qu'à regarder les différents guides des festivals d'été pour s'en convaincre. Mais c'était sans compter sur les acteurs culturels de la région Auvergne-Rhône-Alpes qui sont rapidement montés au créneau, dénonçant dans une tribune publiée sur Le Petit Bulletin la ponction du budget alloué à la culture et distribué dans ce qu'ils estiment être une entreprise de commercialisation à outrance, alors que ça fait des années qu'on leur vend l'idée de « préférence culturelle régionale ». Forcément, aujourd'hui, ce héros de Wauquiez a pratiqué le sport préféré du parti dont il est président, le rétropédalage en accéléré, en indiquant « que la culture ne serait pas impactée », mais que le budget concernerait avant tout les délégations tourisme et économie. Et comme on n'a pas vraiment envie que Lolo continue à se faire du mal, on s'est dit que le minimum serait de lui apporter modestement notre soutien.

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Un sacré coup de pied dans la fourmilière !

Personnellement, je ne comprends pas pourquoi, dans la startup nation® qui est la nôtre, certains continuent encore de tortiller du popotin quand il s'agit d'entreprendre. Déjà, le financement du Tomorrowland français n'est chiffré pour l'instant qu'à hauteur de 400 000 euros, alors que si on compare à des grosses entités comme Rock en Seine, les Eurockéennes de Belfort, ou le Tomorrowland belge justement, on parle de sommes autrement plus ambitieuses. Ce qui offre donc plusieurs options : la première, la plus safe & sound, c'est que l'investissement malin devienne la norme dans les festivals en France, et que les coûts soient tous revus à la baisse et qu'on mise désormais uniquement dans des festivals de musique avec des lignes coolos, pas segmentantes ni compliquées pour un sou.

Et c'est là que l'EDM rentre en jeu ! Regardez plutôt : en 2015, comme l'indiquait Libération dans une enquête, le festival Electrobeach à Port-Barcarès près de Perpignan arrivait en troisième position des festivals les plus fréquentés en France (et surtout les plus rentables : on imagine que gober des ecstas en plein cagnard et en pleine après-midi dans les Pyrénées-Orientales, ben, ça donne soif), derrière les institutions Vieilles Charrues, Solidays et Hellfest, donnant du même coup un sacré coup de vieux à ces dinosaures en perdition. On pense aussi au festival Inox, à Toulouse, ou encore le festival de Joachim Garraud à Chatou, l'Elektric Park, dont s'occupent Allo Floride et Regart, bookeurs privés. On se dit alors que les investisseurs (pardon, les responsables politiques, je confonds toujours les deux) ont désormais compris les demandes des djeun's et qu'ils prennent désormais les devants en leur offrant eux-mêmes ce qu'ils voulaient : du kick, du drop, du Steve Aoki.

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On arrête avec le bullshit

L'opération séduction de la jeunesse entamée par Lolo Wauquiez depuis maintenant plusieurs années atteindrait alors des cimes imprenables : après avoir avoué qu'il se masturbait devant des sites porno comme tout ado attardé qui se respecte, après être parti en campagne contre le « bullshit médiatique » devant des étudiants en management qu'on imagine épatés par tant de swag décomplexé, l'étape suivante serait logiquement de le voir débarquer devant une foule en délire, sapé en Winnie l'Ourson et sauter sur un trampoline avec Steve Aoki en lâchant un bon vieux « Salut les kiiiidzzz !! », tel un Philippe Manœuvre du tire-fesses qui ferait péter le champagne et les pochons de MDMA flanqués du logo du RPR circa 1984 - il est malin, il sait bien que la jeunesse de France d'aujourd'hui est vintage, même dans sa drogue.

Et puis pourquoi ne pas appeler un chat un chat ? Pourquoi ne pas admettre que la culture n'a jamais été la priorité de la droite de gouvernement (ou en tout cas celle qui voudrait gouverner, hihihi), et que le budget du tourisme et de l'économie va désormais la supplanter ? C'est là qu'il faut assumer, Lolo, ne pas s'excuser et ne pas se viander alors que la marche de la victoire est si proche. Il faut alors jouer cartes sur tables, regarder dans les yeux son interlocuteur et ne pas bafouiller : « Le budget de la culture de la région Auvergne-Rhône-Alpes a été entièrement réinjecté dans un Sundance musical franchouillard, où seront produits localement des boissons énergisantes, salons d'UV et stéroïdes. WYD, les rageux ? » Et lorsqu'on voit que le maire de l'Alpe d'Huez, Jean-Yves Noyrey, était sur la listes des élections régionales présentée par Laurent Wauquiez en 2015, on pourrait même rêver à ce que les concepts très actuels de corruption passive, financements illicites de campagne électorale et recels de détournements de fonds publics libyens, s'ils étaient amenés à se généraliser, auront à l'avenir un tout autre visage : celui de Tiësto tout sourire avec des pupilles dilatées comme jaja et une bimbo dans chaque main.

Un reboot du Fyre Festival ?

Il y a autre chose. Lorsqu'on regarde des festivals comme ceux que l'on a cités précédemment, on se rend compte que ce sont plutôt des gros mastodontes en partie co-financés par des investisseurs étrangers, tels que Live Nation pour le Paris Summer Jam et la version française du Lollapalooza, ou encore AEG (le premier exploitant de salles de spectacles mondial, et accessoirement l'agent de Paul McCartney et des Rolling Stones), devenu récemment co-actionnaire de Rock en Seine aux côtés de Matthieu Pigasse. Encore une fois, c'est tout le génie de la bande des Républicains de s'attaquer à un tel morceau et de prendre à bras le corps ces questions-là : rien de mieux que de prendre les devants et de court-circuiter soi-même ce qui s'annonce être une mainmise et une uniformisation de l'offre festivalière en France.

Et pour ça, il faut « passer en force, avoir des couilles», comme dirait un ex-représentant de la même famille politique. Encore une fois, la somme de 400 000 euros n'est pas la plus aberrante qui soit, vu les sommes faramineuses dépensées par la concurrence - Kendrick Lamar, pas une broutille on imagine. Et en supputant que personne d'autre que la région ne sera sur le coup, ce qui est fort peu probable mais qui est une option qu'on souhaite absolument, et que les places des billets soient aussi chères que celles de l'édition belge (on part quand même sur 400 euros pour le pass 3 jours « full madness », et 500 pour le pass 3 jours « full madness comfort »), il n'est pas impossible qu'on se retrouve à l'arrivée avec un fiasco de taille champion et en tous points très enrichissant. Par exemple, vous vous souvenez du Fyre Festival ? C'était cette idée de génie où des investisseurs totalement débiles (soit Ja Rule, entre autres) avaient claqué tout l'argent AVANT le festival dans des yachts, des mannequins et des jets privés, un petit coin de paradis aux Bahamas pour gosses de riches sur-friqués qui s'était retrouvé au final absolument désastreux et dont les conditions d'hébergement avaient été décrites plus tard comme semblables à celles d'un « camp de réfugiés ». Il y a deux jours, on apprenait d'ailleurs que les employés n'avaient toujours pas été payés et qu'ils ne le seraient sans doute jamais – ou comment bien se faire baiser en échelonnant.

Au-delà de voir en Laurent Wauquiez le Ja Rule des montagnes, ce qui est en soi déjà une vision mentale assez merveilleuse, on se dit qu'un désastre de ce genre pourrait provoquer des conséquences fascinantes, surtout qu'on parle ici d'argent public. Et lorsqu'on voit à quel point les syndicats et toutes les forces d'opposition sont en ce moment muselées adroitement par la majorité, c'est probablement la stratégie idéale pour déclencher une émeute des familles qui pourrait même déboucher sur une révolution culturelle. Si c'était volontaire, ce serait en tout cas un coup de génie politique insurrectionnel grandiose, qui placerait Laurent Wauquiez à des hauteurs qu'on ne l'aurait jamais imaginer atteindre auparavant, quelque part entre un Machiavel et un Julien Coupat et désormais apôtre de l'accélérationnisme. Et, on ne va pas se mentir, on a tous très, très envie d'y croire.