Le Guide Creators pour rentrer au musée sans payer
Illustrations : Jean Berthelot Kleck pour VICE

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Culture

Le Guide Creators pour rentrer au musée sans payer

Falsifier des documents, passer par la boutique ou s'habiller en étudiant japonais : on a testé toutes les manières d'accéder à l'art gratuitement.

Si on pense que la culture appartient au peuple, alors payer pour entrer dans un musée est absurde. Pour ma part, j'ai tout simplement pas 15 balles à mettre dans un ticket. C'est pour ça — et aussi parce qu'on me l'a demandé — que pendant une semaine, j'ai essayé de voir s'il y avait des moyens de contourner les caisses à l'entrée des musées.

J'ai un grand respect pour l'art et une profonde admiration pour les urinoirs qui ne fonctionnent pas. Ma première exposition de Duchamp a d'ailleurs été la plus grosse claque artistique que je me suis prise en arrivant à Paris. Faut dire qu'avant ça, j'ai grandi à la Réunion et l'art y est totalement inexistant – et c'est normal, les gens sont trop heureux et absolument satisfaits par le soleil, la plage, le rhum et les rougails. Ensuite, j'ai étudié à Riverside, une ville de Californie du Sud où la seule performance artistique se résumait aux bastons de bikers dans les bars du centre-ville quand les groupes de punks mexicains venaient y jouer. En gros, j'ai vécu dans le néant artistique jusqu'à mes 24 ans ; puis je me suis installé dans la capitale française pour trouver du taf. Une fois ici, je me suis tapé toutes les expos possibles et imaginables pour me remettre à la page. J'ai, en quelque sorte, agi par vengeance. Mais n'étant ni étudiant, ni journaliste, ni chômeur, ni détenteur du RSA, j'ai trouvé mon binge-culturing hyper coûteux.

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Il fallait regarder les choses en face ; les musées étaient, au fond, des business comme les autres. J'ai alors commencé à essayer ne pas payer mon entrée – par nécessité surtout, et par excitation ensuite. J'avais déjà volé dans les supermarchés, je sautais occasionnellement le tourniquet du métro, alors pourquoi ne pas gruger dans les musées ? J'agissais, encore une fois, par vengeance. Je me disais aussi que, comme pour les supermarchés, le coût des fraudes au musée était probablement comptabilisé dans le prix du billet.

La semaine dernière, j'ai fait un tour des principales institutions culturelles parisiennes afin de voir si on pouvait toujours y rentrer sans payer – en ces temps d'état d'urgence, où tout est plus long et compliqué, même pour foutre les pieds dans un hypermarché. J'ai également demandé quelques infos à des professionnels du grugeage, voir s'ils n'avaient pas quelques astuces en stock.

Avant de dévoiler la liste, et pour être bien clair, les hacks présentés dans cet article sont destinés à tout le monde – aux types qui souhaiteraient s'élever culturellement et qui n'ont pas de blé, aux radins, et aux musées qui voudraient accroître leur chiffre d'affaires en diminuant le nombre de resquilleurs.

Falsification de documents

Cette première solution est hyper classique et absolument hors-la-loi. C'est certainement la technique la plus facile, mais de loin la moins respectable. C'est pourtant le moyen le plus simple d'accéder aux trésors du Louvre – qui reste le musée le plus difficile à gruger selon moi. C'est, aussi, la technique préférée de Yann, un habitué de ce genre de fraude. Pour lui, frauder est une question de principe. Il gagne un peu plus que le SMIC et n'est pas près de lâcher quelques billets pour se faire un musée. «Les prix des musées sont souvent prohibitifs pour les gens comme moi. J'en ai eu marre, alors j'ai commencé à considérer que je ne devais rien à personne, encore moins aux institutions et encore moins à la Culture qui monopolisait l'espace de divertissement avec son gros c » m'a-t-il dit en me montrant son document de RSA falsifié. « Le Jeu de Paume ne demande même pas de pièce d'identité, ça veut dire que tu peux simplement emprunter une attestation à un pote, et hop » a-t-il fini par balancer gaiement.

Le problème avec cette technique est essentiellement moral – ce n'est pas juste une falsification de signature sur un carnet de liaison pour aller grailler un Do Mac avec ces potes entre midi et deux au collège. Mais, la morale, Manon s'en fout. Pour elle la meilleure option, c'est de se faire une carte de presse. « Il n'y a pas mieux que de reproduire une carte de presse d'un pays inconnu type la Thaïlande par exemple. C'est ce que j'ai fait, et je l'ai fait faire plastifier à la cordonnerie de Châtelet pour pas cher » m'a-t-elle expliqué. « Ensuite il faut juste se présenter dans un musée, montrer sa carte, et s'ils ont un doute, il suffit de se faire passer pour une correspondante locale pour la presse étrangère. »

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Passer par le café

À Paris, ce truc marche essentiellement — uniquement même — au Jeu de Paume. Comme au théâtre et au cinéma, les meilleures techniques restent celles dites de la porte de derrière – le passage que seul un connaisseur des lieux peut connaître. Le meilleur moyen d'accéder à l'exposition du Jeu de Paume est de passer par le Petit Café. Le plan est simple : ne pas payer son billet aux caisses, prendre les escaliers qui mènent au Petit Café, puis prendre l'escalier du café jusqu'au troisième étage. Vous serez à l'exposition en deux volées de marches. Vous commencerez l'expo par la dernière salle, mais vous n'êtes pas à ça près, hein les gars ?

Passer par la boutique

Gruger à Orsay n'est pas simple. Les agents sur place sont plutôt bons pour dépister les types qui se faufilent. J'ai essayé d'entrer par le bookstore du musée quatre fois et j'ai eu 75% de réussite. Les 25% restant ont donné lieu à un détour par la caisse avec un regard noir. Les agents ne sont pas des drôles et n'ont aucune envie d'écouter votre histoire du type perdu qui cherche son pote dans la boutique. Cette solution vaut de toute façon le coup, parce que c'est Orsay et que je passerai par les égouts pour voir un Courbet.

Passer par la porte principale, en toute décontraction

La technique est simple : s'habiller comme un jeune asiatique féru d'art contemporain – des Dr Martens noires basses ornementées de chaussettes blanches, des lunettes rondes, un pantalon ample retroussé, un tee-shirt uni et un long manteau propre. Avec cette panoplie et un air décontracté, la chance de passer entre les mailles du filet sécuritaire à l'entrée des salles est quasiment absolue. La casquette et le tote bag sont aussi des accessoires utiles dans ce cas-là !

Je sais, ça ressemble fortement à du racisme culturel, et c'est le cas. Mais croyez-moi, j'y suis allé une fois habillé comme tous les jours et je me suis fait recaler. Certes, c'était peut-être un coup de malchance mais quoi qu'il en soit, présentez bien les gars ; pas de ploucs dans le monde de l'art contemporain ! Cette technique est particulièrement adaptée au Palais de Tokyo.

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Ne désespérez pas si vous préférez la photo. Ça se tente aussi au Jeu de Paume. Pour que ça le fasse, il faut que ce soit une période de pointe – qu'il y ait une queue de cinq à dix personnes qui attendent de se faire valider les billets devant la salle. Les poinçonneurs ne sont pas attentifs aux personnes marginales quand le flux est abondant. Il vous suffit de vous glisser à l'intérieur de la salle pendant que le contrôleur bip les billets des gens respectables. Et vous y êtes.

Ne désespérez pas si vous préférez les vieux trucs. Ça marche aussi au Louvre… mais c'est plus tendu. Pour les moins de 18 ans le Louvre est gratuit, ainsi que pour les moins de 26 ans de l'union européenne sur présentation d'un justificatif de résidence et d'une pièce d'identité. Si vous n'êtes pas dans ces créneaux-là et que vous ne voulez pas payer 15 balles, j'ai quelques trucs pour vous.

« Saviez-vous que vous pouviez visiter le Louvre gratuitement ? Ce musée est en effet gratuit chaque premier dimanche du mois du 1er octobre au 31 mars » est écrit sur le site officiel du Louvre. L'entrée est également gratos quand on passe par la Porte des Lions – ouverte tous les jours sauf le vendredi. Cette entrée permet d'éviter la queue, le contrôle intensif des sacs, les vestiaires et parfois même la validation des tickets. Je m'y suis rendu, j'ai dit au mec de l'entrée que je cherchais à rejoindre mon groupe et il m'a laissé filé au deuxième étage sans trop de questions. Il était relativement tard, c'était compréhensible. D'après ce que j'ai entendu, cette technique n'est fiable qu'à 10% ; mais qui ne tente rien n'a rien.

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Passer par le fumoir

Déjà, soyons clairs, ça ne fonctionne qu'à Beaubourg. Ensuite, la probabilité de connaître un de ces types-là est faible. Alors le mieux c'est de se taper la queue de la bibliothèque. Ce n'est pas pour le calme, l'écriture, ou le nombre incalculable d'ouvrages magnifiques de la bibliothèque. Non. C'est pour frauder. En effet, il suffit d'aller se griller une cigarette dans le fumoir de la bibliothèque et de rejoindre, tranquillement, la pièce où se trouve la collection permanente via la voie royale des escalators.

Se faire passer pour quelqu'un qui ne devrait pas payer son entrée

Cette technique est, je trouve, de loin la plus mauvaise – je l'ai essayée à chaque musée et je n'ai essuyé que des refus. J'ai joué le journaliste qui a paumé sa carte de presse et, bien évidemment, que dalle – j'ai eu droit à un sourire pincé, un hochement d'épaule désinvolte, et un « par carte ou en espèce, m'sieur ».

Cette astuce vous est donc présentée par Christophe, qui m'a assuré y arriver avec une probabilité de 33%. « Le meilleur moyen c'est de jouer les techniciens ou les petites mains de l'exposition, et de demander à voir le curateur de l'expo ou l'artiste pour qu'il vous reconnaisse » m'a-t-il expliqué, avant de m'affirmer que « personne ne vient vous voir, ça n'arrive jamais – ou presque – et on vous laisse passer ». Un autre moyen, selon lui, est de jouer les artistes et se faire passer pour un proche de l'exposant, ou de la galerie de l'exposant, ou même d'un du collectionneur. « Ça demande quelques recherches avant, et il faut être beau-parleur, presque hautain » m'avoue-t-il d'un air sérieux.

Si cette technique ne marche pas, essayez tout simplement le bon vieux « je suis sur liste ». Il y a toujours une liste dans les musées ; par flemme de checker ou de voir avec leurs supérieurs, les caissiers vous laisseront peut-être passer.

Voilà, vous êtes normalement équipé pour rentrer gratos. Il ne vous reste plus qu'à vous poser la question de savoir si ça vaut vraiment le coup.

Retrouvez Félix Macherez sur son site web.