Loin des journaux de confinement d'écrivains entourés de glycines dans la douceur de leur résidence secondaire de 150m2, la période d'enfermement forcé, due à l'épidémie de Covid-19, peut s'avérer un véritable calvaire pour des personnes déjà anxieuses de nature. Si les psychiatres peuvent continuer à exercer, et les consultations se faire en visio, les confinés atteints de troubles psychiatriques ou de neurodéveloppement voient leurs crises d'angoisse amplifier par l'isolement dû à la pandémie. Et, davantage que la crainte de la maladie, l'omniprésence d'informations anxiogènes suscitent l'aggravation des symptômes. Cinq d'entre eux expliquent à VICE pourquoi le confinement est une double peine. Entre angoisse, stress et solitude.
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Elodie, 29 ans, hypocondriaque, confinée seule
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Clément, 33 ans, bipolaire, confiné seul
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Nadia, 48 ans, syndrome de stress post-traumatique, confinée avec ses deux enfants adultes
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Louis, 22 ans, dépressif chronique, confiné chez ses parents
Le stage est à l’arrêt pour le moment. Alors je m’aménage des moments de musique, j’essaye de faire des exercices de respiration, je demande conseil à des amis pour des films sympas et légers. J’essaye de m’éloigner des réseaux sociaux même si je suis un peu accro. La résurrection des jeux en ligne, comme Le loup-garou, m’a pas mal détendu. J’instaure une routine, des rituels, pour ne pas perdre pied et rester en pyjama toute la journée. Mais j’ai peur que dans les jours à venir, des gens mettent fin à leurs jours. Les dépressifs, les bipolaires, sont un peu les oubliés. La quarantaine, l’isolement, va mettre des gens à mal. Porter une attention à ces personnes n’est pas pensé sur le long terme. »
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Manon, 21 ans, trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité, confinée seule
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Ce qui m’angoisse, c’est l’incertitude, cette situation où on ne peut pas prévoir ce qui va se passer. J’ai l’impression d’être hypersensible, une fois j’ai dû appeler une amie jusqu’à 5 heures du matin. Avec la solitude, j’ai peur que m’arrivent des hallucinations. Au milieu de tout ça, on se sent mal de se sentir mal, car on se dit qu’il y a pire que nous. Alors la musique va me calmer, la méditation aussi. Je coupe les réseaux sociaux, je fais des mouvements de danse ou de yoga. Les séries c’est bien aussi, ça fait illusion pour le cerveau d’une présence. Le plus important est de garder un rythme, de continuer à s’envoyer des choses douces et positives. »« Cette crise sanitaire et le confinement vont agir comme un révélateur. Pour certains de nos patients, la solitude va être supportable. Pour d’autres, cela constituera un véritable isolement et risque d’accentuer des angoisses déjà présentes. Cela peut même révéler une structure psychique, quelque chose qui était là, sous-jacent, depuis toujours.Pour certains des analysants que je reçois, parmi les plus fragiles, le virus, s’il est une figure invisible, flottante, constitue un Autre « solide », dans le sens où il est un « méchant » localisé. J’ai ainsi une patiente qui est soulagée d’être cloîtrée chez elle pour éviter de l’attraper. Dans ces cas, rester chez soi peut avoir un effet contenant. Mais pour la majorité de ces personnes déjà fragiles, l’angoisse sera maximisée, avec une difficulté à se concentrer sur autre chose que la pandémie. La rencontre physique avec l’autre, et surtout son psy, a toute son importance. Il s’agit donc de maintenir un fil, au minimum par la voix. La majorité de mes patients, cependant, pour l’instant (car les choses vont s’inscrire dans le temps), me disent qu’ils préfèrent plutôt attendre qu’on se revoit.Nous, professionnels du soin psychique, sommes très vigilants à garder un contact avec ces patients, même si, en libéral, les psychologues n’ont reçu aucune consigne directe de l’ARS. C’est de la responsabilité de chaque psy de maintenir un maillage. Il faut construire avec chaque patient sa solution pour traiter son angoisse. On est là pour ça, pour inventer avec eux. Pour contenir les angoisses, écrire peut constituer un véritable soutien. Ainsi les analysants peuvent m’écrire un mail, ou une lettre. L’écriture peut border les angoisses : s’adresser à quelqu’un dans ces moments d’isolement c’est s’assurer une figure de l’Autre permanente. Écrire, c’est alors constituer une présence dans l’absence. Mais oui, j’ai peur pour mes patients les plus fragiles. Comment vont-ils s’en sortir, revenir de cette épreuve ? En cette période où personne ne peut véritablement dire ce qui va advenir dans les semaines qui viennent, comment incarner cette figure d’adresse contenante ? C’est ce qu’il nous faut inventer ces jours-ci. Et puis la vie psychique continue, il nous faut donc continuer à l’accueillir, la faire vivre aussi. »Elsa est sur Twitter.VICE France est aussi sur Twitter, Instagram, Facebook et sur Flipboard.