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Culture

Qui êtes-vous, les prétendants au Trône de France ?

Un portrait accéléré des descendants directs de Louis-Philippe Ier, de Louis XIV et de Napoléon.
Illustration de Lucile Lissandre

Cet article vous est présenté par la série Versailles, diffusée sur Canal+. Rendez-vous sur le site.

Dans ses Pensées, Charles Péguy écrivait que « l'exercice du suffrage universel en France est un débordement de vice inouï », avant d'enchaîner sur une comparaison entre le parlementarisme électoral de l'époque et la prostitution. Si cette pensée s'inscrivait dans le contexte spécifique d'une Troisième République qui laissait au chef de l'État le soin d'inaugurer les chrysanthèmes, elle n'a rien perdu de son acuité quant aux relations actuelles entre les électeurs et les élus.

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Aujourd'hui, dans un contexte post-attentats un poil anxiogène, « les Français », désabusés face à la médiocrité de leurs représentants, semblent plébisciter une restriction de leurs libertés individuelles en échange d'un surplus de sécurité. Les chantres de Benjamin Franklin – qui le citent à tort – ont beau s'époumoner face au risque de voir un appareil étatique tout-puissant dirigé par le Front national dès 2017, rien n'y fait. Le réel semble ne pas vouloir se plier aux élégies libertaires d'une gauche qui oublie que sa capitulation face au communautarisme grandissant – loin d'être uniquement religieux – explique en partie le bourbier dans lequel nous nous trouvons aujourd'hui.

L'Ordre semble donc être à la mode. Et personne, pas même le FN – parti dont la chef désire convaincre les citoyens de « l'essayer » – n'est capable, selon moi, de répondre à cette aspiration. Non pas que l'autoritarisme soit la seule voix souhaitable pour la France. C'est même le contraire. Le problème réside dans l'abandon par la gauche de concepts monopolisés par l'extrême-droite et ses ersatz Républicains : la Nation, le Peuple, et tout un tas d'autres termes que les élèves de Sciences Po – dont je fais partie – ont appris religieusement à exécrer.

De religion, il n'en sera nullement question dans cet article. Pourtant, alors que je désire vous parler des possibilités de restauration de la monarchie, on pourrait m'opposer le fait que les célèbres « deux corps du roi » ne laissent que peu de doute quant à la nature prétendument divine des anciens souverains français. Mais, au fond, est-il si inenvisageable d'imaginer un État moderne renonçant à une République devenue ploutocratie pour se tourner vers une monarchie moderne et sécularisée ?

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OK, les candidats actuels au trône de France sont mieux connus des lecteurs de Valeurs Actuelles que de ceux de Mediapart. Mais la monarchie n'est, par essence, ni un régime conservateur ni une dictature. À l'image de n'importe quel autre régime politique, elle évolue selon les pratiques des protagonistes qui l'incarnent. Alors que notre société confond mysticisme et religiosité et sacrifie son aspiration à croire sur l'autel du matérialisme, l'heure est sans doute venue de se pencher sur les différents aspirants au trône de France. Quitte à laisser de côté les nombreux scandales ayant terni l'aura des différents monarques occidentaux dans un passé récent.

Louis de Bourbon, photo via Wikipedia

Louis de Bourbon
De son vrai nom Louis Alfonso Gonzalo Victor Manuel Marco de Borbón y Matínez-Bordiú, Louis de Bourbon est un descendant direct du roi d'Espagne Philippe V, lui-même petit-fils de Louis XIV. Vivant à Caracas, âgé de 41 ans, « Louis XX » est l'archétype du noble moderne : un type qui bosse dans la finance, parle plusieurs langues et qui, s'il était amené à être appelé par les Français, mettrait en place une « monarchie constitutionnelle à l'espagnole », selon des propos recueillis – forcément – par Paris Match.

En gros, ce Franco-espagnol a très bien saisi ce qui permettrait à une monarchie de redevenir légitime aux yeux d'une large partie de la population – et pas seulement des nostalgiques gâtés de l'Action Française. À l'opposé des restrictions religieuses menés par Louis XIII et du train de vie dispendieux du Roi Soleil, Louis de Bourbon se contenterait de « faire office d'autorité morale », et d'être le « garant de l'unité du pays », tout en n'oubliant pas de faire référence à « l'Histoire ».

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Son seul souci ? La remise en cause régulière de sa légitimité par les partisans de son principal adversaire, le prince Henri d'Orléans – poursuivant le conflit pluriséculaire entre légitimistes et orléanistes jusqu'à aujourd'hui. Louis de Bourbon serait disqualifié de la course au trône par la faute de Philippe V lui-même, qui, en renonçant à ses droits sur la couronne de France lors des traités d'Utrecht, aurait condamné son descendant à n'être qu'un vulgaire membre de la maison des Bourbons d'Espagne.

Dans ce gros bordel, il est difficile d'avoir un avis définitif sur qui serait le roi le plus légitime, tant les arguments des deux partis relèvent plus du combat d'adolescents prompts à montrer leur vit que de l'échange d'arguments entre historiens. Malgré tout, on peut accorder à Louis de Bourbon le mérite de s'appuyer sur une décision de la Cour de Cassation, qui a donné raison à son père en 2003 dans son utilisation du titre de « duc d'Anjou » et des trois fleurs de lys. Elle est belle, cette République française dont la plus haute juridiction se préoccupe de savoir qui prendra – peut-être – sa place dans quelques décennies.

Henri d'Orléans, photo via Wikipedia

Henri d'Orléans
« Duc de France », « comte de Paris », voire même « Henri VII », Henri d'Orléans collectionne les étiquettes tendance rap francilien et cherche à régner sur le game en insistant sur son aversion pour les idées maurrassiennes, le royalisme à la papa-maman, et tout ce qui pourrait remettre en cause l'existence d'un Parlement élu par le peuple de France.

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Son projet pour notre société décadente – que vous pouvez consulter à tout moment en achetant Un prince français : Entretiens avec Fabrice Madouas, disponible sur Amazon au prix de 19,90 euros – se limite à quelques conseils emplis de bon sens, touchant à notre matérialisme vaniteux et à notre passion pour l'immédiat. En gros, des idées simples, face à un avenir qui ne nous promet que vacuité et fatuité.

Malheureusement, tout n'est pas rose au pays de l'orléanisme contemporain. Descendant de Louis-Philippe Ier, « roi des Français » (et non roi de France), Henri d'Orléans se voit opposer à ses prétentions le fait qu'il n'est en aucun cas un héritier du trône. De plus, le père de Louis-Philippe ayant voté en faveur de la mise à mort de Louis XVI sous le nom classieux de Philippe Égalité, on reproche toujours aux Orléanistes d'être une dynastie régicide – un peu comme on reproche aux Juifs d'être le peuple déicide, alors que bon, on pourrait quand même passer l'éponge.

Si Henri d'Orléans, âgé de 82 ans, ne représente plus vraiment l'avenir du royalisme en France, son fils le Prince Jean de France est sans aucun doute le membre de la famille à suivre de près – sachant que deux autres enfants d'Henri d'Orléans sont handicapés.

Jean-Christophe Napoléon, photo via le blog du Renouveau Bonapartiste

Jean-Christophe Napoléon
Je vous vois venir de loin, vous, les Torquemada de l'Internet, prompts à critiquer les éditocrates et les vieux libertaires de Libération en utilisant des adverbes tels que « consternant » ou « édifiant ». Alors, non, en effet, Napoléon n'a jamais été roi. En revanche, il a bel et bien pris place sur le trône de France, ce qui lui donne toute sa place dans cet article. De plus, les partisans d'un retour au bonapartisme sont clairement en faveur de la restauration d'une monarchie constitutionnelle en France – et la plupart, ô surprise !, de la République en tant « qu'idéal ».

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Et cet aggiornamento ne s'arrête pas là : les membres du « Renouveau bonapartiste » se sont déclarés favorables au mariage homosexuel et ont critiqué l'Empire autoritaire de leur illustre aïeul – je ne parle pas de Napoléon III, hein. Actuel prétendant au trône, Jean-Christophe Albéric Ferdinand Napoléon Bonaparte ressemble assez peu à l'idée que l'on se fait du « jeune moderne » de notre époque. Après avoir étudié à Neuilly-sur-Seine, puis à HEC, il a rejoint un fonds d'investissement et vit à Londres. On aura connu plus patriote sur le papier, mais, après tout, j'en connais un qui vivait sur l'île d'Elbe pendant quelques mois, avant d'entamer un « vol de l'Aigle » qui le conduira tout droit jusqu'à Paris – avant, bien sûr, de se faire une nouvelle fois dérouiller à Waterloo.

Et oui, car au-delà de l'historiographie romanesque qui a porté aux nues les grands monarques de notre Histoire, il ne faudra jamais oublier qu'ils auront tous eu un point en commun : mettre à mort des dizaines de milliers de membres du peuple pour satisfaire leur simple désir de grandeur.

Cet article vous a été présenté par la série Versailles, diffusée sur Canal+. Rendez-vous sur le site.

Romain est sur Twitter.