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Uber dévoile son objectif à long terme : remplacer les humains par des robots

Uber a annoncé hier que d’ici la fin du mois, ses premiers véhicules autonomes prendraient des passagers dans la ville de Pittsburgh.

Les chauffeurs de taxi ont passé plusieurs années à supplier les gouvernements d'interdire les systèmes de covoiturage non réglementés. Les problèmes qu'ils ont rencontrés jusque-là, cependant, n'était qu'une mise en bouche face à ce qui les attend désormais. L'industrie du covoiturage passe à la vitesse supérieure. Et elle compte bien se débarrasser de ces tas de chairs encombrants assis derrière le volant des taxis.

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Nous savions pertinemment que, tôt ou tard, employer des humains pour conduire des voitures serait considéré comme tout à fait ringard. Les progrès en matière d'automatisation rendent la disparition des conducteurs humains plus ou moins inéluctable à terme, d'autant plus que ceux-ci coûtent cher, s'engueulent parfois avec les clients, et ont tendance à prendre des initiatives déplorables comme s'organiser en syndicats.

Nous n'attendions pas les robotaxis avant quelques années. Pourtant, Uber a annoncé hier que d'ici la fin du mois, ses premiers véhicules autonomes prendraient des passagers dans la ville de Pittsburgh. Nous sommes déjà entrés dans l'ère du robotaxi, dirait-on.

De leur côté, les Google cars ont déjà conduit des milliers et des milliers de kilomètres, de même que les voitures Tesla munies de la fonction autopilote. La stratégie d'Uber, elle, est un peu différente. Google n'a dévoilé aucun choix commercial quant à la vente de ses véhicules, et le système de Tesla est conçu pour s'intégrer aux habitudes de conduite existantes (même si Musk envisage de devenir un concurrent d'Uber à terme). Uber, lui, annonce clairement la couleur : il mettra en concurrence ses robots avec les conducteurs de taxis, prouvant à terme l'inutilité de ces derniers. Le coup final dans sa stratégie de gestion du capital humain, qui a fait tout le succès de la plateforme jusque-là.

Les conducteurs qu'Uber a utilisé pour promouvoir son service à Austin. Image: Rideshare Works for Austin

De plus, l'acquisition récente de la société de camions sans conducteur Otto par Uber montre que l'entreprise va inévitablement s'engager dans des activités de transport de marchandises, une tâche bien plus facile à automatiser que la circulation urbaine. En quelque sorte, Uber s'est accaparé des ressources humaines de manière extrêmement prédatrice pour faire tourner sa plateforme, et maintenant que la société a atteint ses objectifs, elle s'apprête à dégager tout le monde.

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Sur le très long terme, c'est sans doute une bonne chose. Les véhicules autonomes sont conçus pour être plus efficaces que les véhicules conventionnels, et pour garantir une meilleure sécurité à leurs occupants. Utiliser de tels services sera plus commode que de conduire sa propre voiture, et cela pourrait nous amener, à terme, à repenser l'organisation des villes en nous débarrassant par exemple des parkings urbains.

Cependant, le projet actuel d'Uber, tel qu'il sera testé dans les prochains jours du moins, n'est excitant que d'un point de vue conceptuel. Nous sommes peut-être à un tournant de l'histoire technologique, mais l'avenir reste sombre sur de nombreux points. Voici ce que Businessweek nous apprend du projet :

« Pour l'instant, les voitures Uber voyageront avec des conducteurs, par sécurité mais également pour respecter la loi. Ces ingénieurs, parfaitement compétents, garderont les doigts sur le volant, prêts à intervenir à tout moment si la voiture rencontre un obstacle inattendu. Un co-pilote, dans le siège du passager avant, prendra des notes sur un ordinateur portable, et tous les événements seront enregistrés par des caméras à l'intérieur et à l'extérieur de la voiture afin de pouvoir corriger, à terme, tous les défauts du système. Chaque voiture sera également équipée d'une tablette sur le siège arrière, afin d'expliquer aux voyageurs qu'ils sont dans une voiture autonome. 'Le but est de nous débarrasser des pilotes de secours à terme ; nous ne voulons donc pas qu'ils puissent parler aux passagers,' explique le directeur de l'ingénierie d'Uber, Raffi Krikorian. »

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Les ingénieurs en question n'ont donc rien en commun avec un conducteur Uber classique. Il ne s'agit pas là d'un emploi à court terme dans lequel s'est engagé une personne précaire ayant besoin d'un complément de revenu. Loin de là.

En lisant ce passage de Businessweek, on imagine immédiatement une scène dans laquelle des étudiants de l'Ivy League complètement ivres auraient hélé un Uber assigné au hasard avant de s'installer dans un véhicule capitonné où un « pilote de sécurité » garde le plus parfait silence, regardant droit devant lui et maintenant ses doigts tendus à quelques centimètres du volant. A côté de lui, un copilote tout aussi mutique tape furieusement sur le clavier de son ordinateur portable. « Notes : Sujets non coopératifs. Ont exigé de diffuser le titre 'Panda' de Desiigner. Demande refusée. » Pendant ce temps-là, une seule larme roule sur la joue d'une mère célibataire dans une camionnette adjacente, tandis que sur l'écran de son téléphone, l'application Uber luit silencieusement sans afficher de nouvelles demandes de covoiturage. Enfin, quelque part dans son immense building, le CEO d'Uber, Travis Kalanick, sourit de manière machiavélique avant de désactiver son application et de rentrer chez lui pour dîner.

J'ai peut-être trop d'imagination, mais mis à part l'attrait de la nouveauté, qu'est-ce qui pourrait bien motiver l'envie de monter dans un tel véhicule ? Bien sûr, il ne s'agit là que d'une première batterie d'essais ; mais Uber n'a pas précisé pourquoi il incluait des passagers dans son beta test, sachant qu'ils sont tout à fait superflus pour les essais techniques. Est-ce pour commencer à changer la perception des individus à l'égard des véhicules sans chauffeur ? Est-ce pour observer des passagers test en conditions réelles, des passagers qui n'ont pas été sélectionnés par avance ?

On ne voit pas bien comment ce dispositif pourrait encourager le public à être moins méfiant. L'article de Businessweek précise d'ailleurs que l'IA qui conduit l'Uber n'arrive pas vraiment à s'orienter dans Pittsburgh, et qu'il est nécessaire de désactiver la conduite automatique régulièrement parce qu'elle a toutes les peines du monde à gérer les embouteillages.

Ces problèmes ne sont pas des limitations intrinsèques de la technologie que nous n'arriverons jamais à résoudre. De même, ils ne présagent pas de l'avenir des véhicules sans chauffeur. Mais l'obsession d'Uber avec les tests publics montrent à quel point la société est pressée de ne plus avoir à payer des humains.

« Lorsque vous êtes seul dans la voiture, le déplacement en taxi revient moins cher que le coût d'entretien d'une voiture dont vous seriez propriétaire. Uber va faire descendre le coût de revient de la course en-dessous du coût de revient de la propriété. À terme, plus personne n'aura besoin de posséder une voiture, » disait Kalanick en 2014.

Le présupposé de Kalanick, pas très subtil d'ailleurs, est que la dépendance de son entreprise à l'égard d'un groupe de conducteurs humains est une véritable faiblesse, une situation insupportable qui entraine des coûts superflus. La bataille d'Uber contre les taxis n'était qu'un avant-goût de son objectif final : se débarrasser des employés humains.