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Sound of Concrete

Du son et du béton : avec Sounds of Concrete, plongez dans l’univers brut et musical de Neunau

Avec l’aide de Comme des Garçons et de leur nouveau parfum Concrete, Neunau s’intéresse cette fois au béton, au travers du film Sound of Concrete.

L’an dernier, on vous présentait ici-même Sounds from The Forge, un petit documentaire de dix minutes qui suivait l’enregistrement du premier EP du compositeur italien Neunau. Signé sur le label Parachute, « Neunau », c’était quatre titres d’une techno aux accents industriels, composée uniquement à partir de sons enregistrés dans le Musée des Forges de la ville de Bienno. Apparemment, après une quinzaine d’année à faire de l’électro « classique » entre Milan et Berlin, le gars a eu besoin d’un bon bol d’air frais, qu’il est allé trouver dans les montagnes près de chez lui.

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L’artiste, de son vrai nom Sergio Maggioni, remet ça cette année, mais cette fois-ci, c’est en extérieur qu’il a placé ses micros.

Avec l’aide de Comme des Garçons et de leur nouveau parfum Concrete, Neunau s’intéresse cette fois au béton, au travers du film Sound of Concrete.

Et le résultat est tout aussi cool. En fait, sa démarche s’apparente plus à celle d’un ethnomusicologue qu’à celle d’un compositeur de musique comme on l’entend habituellement. Maggioni et son équipe se rendent sur les lieux qui les intéressent et placent des dizaines de micros un peu partout, pour en capter les sons. Leur matière première, ce sont tous ces bruits qui nous entourent. Au quotidien, tous ces sons sont mélangés et ne nous apparaissent que comme un amas informe, voire une nuisance, qui compose notre environnement sonore. Neunau les enregistre, les isole comme un collectionneur attentif, et nous les restitue sous forme de morceaux, leur conférant une toute autre identité. De bruits de fonds inutiles ou assourdissants, effets secondaires de l’activité humaine, ils deviennent un matériau à travailler. Ils acquièrent une autonomie, une utilité en eux-mêmes : Neunau leur donne de la noblesse. En fait, on pourrait écouter les morceaux de Neunau sans savoir d’où proviennent ces sons car la musique qu’il compose a un intérêt en soi, même si on ignore sa provenance. Mais le voir travailler lui donne encore plus de charme. J’imagine que Neunau est bien conscient de ça, et que c’est la raison pour laquelle il s’évertue à documenter ses recherches.

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Pour Sound of Concrete, l’Italien est allé dans la vallée de Val Camonica, dans le nord de l’Italie. L’artiste a posé ses micros dans une carrière de calcaire et dans un barrage hydraulique. Il a aussi capté des sons dans une cimenterie posée près du lac d’Iseo, là où Christo avait installé ses pontons orange l’été dernier, et sur un chantier. En gros, il a documenté l’itinéraire du béton, cet élément qui nous entoure au quotidien mais dont on ignore souvent la provenance. Ce qui est assez drôle, c’est de voir cet emblème de la ville sortir de paysages naturels dont la beauté est à couper le souffle.

C’est la Française Elodie Rassel, plus connue sur Internet sous le nom de Zofie Taueber, qui s’occupe de la réalisation de ce Sound of Concrete, sorte de carnet de bord poétique à mi-chemin entre le documentaire et le film d’art. Les deux artistes ont de nombreux points communs, à commencer par leur exigence musicale. Membre du duo 8bit-punk Ben et Béné dans les années 2000 (elle s’occupait notamment de tout l’aspect visuel du groupe), elle a aussi signé des clips pour Sister Iodine ou Unglee Izi. [ Cette ode au béton à quatre mains se lit aussi comme un hommage au nouveau parfum de Comme des Garçons, partenaire du film. Comme Neunau et sa musique, comme Elodie Rassel et sa caméra, Concrete – c’est son nom – détourne les codes du béton pour en faire un objet surprenant.]

Ce Sound of Concrete a été pensé comme un voyage en quatre étapes, qui résument aussi bien le processus de création musicale que celui du béton. Comme beaucoup de grandes histoires, celle-ci commence par un big-bang : une explosion dans une carrière, la destruction des roches qui seront réduites en poudre et, pour le musicien, le vide qui précède la création. Vient ensuite la phase de création. La matière voyage, se transforme sous la main de l’homme. Neunau pose ses micros contre des tuyaux, sur des pierres, enregistre des bruits métalliques, minéraux… À ce stade, difficile pour le spectateur de se faire une idée du résultat final. Mais on se dit que dans la tête de Neunau, chaque son doit évoquer quelque chose de bien particulier. L’artiste poursuit son travail sur un chantier : ici, le béton est utilisé pour donner corps à quelque chose de plus grand que lui. C’est dans la quatrième et dernière phase, celle de la création, que les sons prennent forme. Neunau se rend d’abord au barrage du lac de Pantano. Derniers pas dans cette nature domptée par l’homme avant de s’enfermer en studio. Là, les sons de la cimenterie, du barrage, de la carrière, viennent s’agencer avec ceux d’un chantier en construction. Des roches au produit fini en passant par le barrage qui fournit la vallée en électricité, les sons collectés trouvent leur place et forment une véritable carte postale sonore, qui donne autant envie de se perdre en montagne que de s’enfermer dans un club.

En plus du docu et des titres de Neunau, l’expérience « Concrete » se prolonge sur ce site interactif qui vous rendra pour de bon accro au béton… Car le musicien n’est pas le seul à se laisser charmer par ce matériau. Comme des Garçons s’en est inspiré pour recréer un parfum à partir de fragments d’ordinaire : une manière de frapper fort en déconstruisant les archétypes de la beauté et les conventions du luxe.