Cauchemar américain et voyous à la petite semaine : dans le cerveau malade d’Émilien Maricot
Toutes les linogravures sont d'Émilien Maricot

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Culture

Cauchemar américain et voyous à la petite semaine : dans le cerveau malade d’Émilien Maricot

Un linograveur auxerrois présente une exposition aujourd’hui à Paris – il nous a éclairés sur son travail.

Il y a quelques mois, on a reçu un mail amical nous proposant des illustrations. Comme nombre de ces mails échouent inlassablement dans notre corbeille puisqu'ils comportent presque systématiquement des pénis mal dessinés, des drogues ou tout autre élément correspondant à une ligne éditoriale « subversive et décalée », on était plutôt soulagé de constater que lesdites illustrations étaient plutôt pas mal. En réalité, ce sont des linogravures, qui seront d'ailleurs exposées dès aujourd'hui à l'Espace Seven à Paris. On a laissé Émilien Maricot, l'auteur des œuvres en question, se présenter brièvement.

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J'ai grandi à Auxerre, entre le football et le Chablis. Au début des années 2000, alors que j'étais en troisième, j'ai commencé à dessiner avec des potes – une époque qui a aussi été marquée par nos piètres tentatives de faire du rap, de devenir breakdancers et de tagger les toilettes du collège. À force de faire des lettrages, j'ai eu envie de les accompagner de personnages, avant de mettre fin à ma carrière de graffeur de feuille 24x32 perforée. Après le lycée, j'ai fait un bref passage aux Arts appliqués de Paris puis à la caisse d'un Monoprix du XV e – puis je suis parti étudier aux Beaux-Arts d'Angers. C'est lors d'une année d'échange à Mexico que je suis tombé amoureux de la linogravure. De ce voyage, j'ai aussi été marqué par le climat de violence qui règne dans le pays. Le premier journal que j'ai acheté à Mexico montrait une photo en gros plan d'un homme à qui on avait soigneusement retiré la peau du visage après l'avoir abattu. Bien que je me sois un peu insensibilisé à cause de ma curiosité morbide et de mes multiples visites dans les tréfonds du net, cette couverture de journal m'a énormément marqué. Depuis son apparition il y a plus d'un siècle, la linogravure est plus ou moins considérée comme une technique pour les amateurs désireux de s'entraîner. En taille d'épargne, on a plus tendance à mettre en avant la gravure sur bois, qui fonctionne de la même manière. Aujourd'hui encore, je trouve que la linogravure n'est pas assez mise en avant – on en voit trop peu dans la presse ou autre support qui véhicule de l'image, et encore moins dans le dessin contemporain. Pourtant, ça permet des rendus graphiquement puissants.

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Actuellement, je travaille à Bordeaux où j'ai mon matériel de gravure. Dans mon travail, je suis très inspiré par les foules et les interactions sociales qui en découlent. Quand je ne suis pas affairé dans l'atelier, je passe pas mal de temps à scruter les gens qui m'entourent et à repérer ces petits instants où le masque tombe et où l'on perd le contrôle. C'est ma manière d'appréhender l'humain. « No Future Print Again » est ma première grande exposition personnelle, une sorte de plongée dans les profondeurs de mon imagination. Certes, l'univers que je crée peut paraître sombre, tant par l'usage des noirs intenses, que par l'impression apocalyptique qui se dégage des scènes gravées. Mais je dirais plutôt qu'il est expressif et libérateur, pour moi comme pour le public. L'exposition traduit cette joie, cette fièvre – celle d'un quotidien exténué, transformé en une vaste fresque décadente, où s'entremêle une foule de personnages excessifs. Enfin, l'exposition est placée sous le sceau de la linogravure. C'est l'occasion de mettre en avant le potentiel illustratif de cette technique, sa force de frappe. L'occasion également de déployer son processus, car la linogravure ne permet pas seulement d'imaginer des récits, elle a sa propre histoire à raconter : du dessin préparatoire à la série d'impressions, en passant par les matrices et la mise en couleur à la main.

Retrouvez Émilien sur son site, et plus d'informations sur son exposition ici.

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