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Comment dépenser plus de 1000 $ pour un repas de sushis : le récit d’un idiot

Ma première réaction a été de penser que c'était une erreur.  
Image tirée de Jiro Dreams of Sushi. Photo : Magnolia Pictures

Il y a quelques années, Ian McKellen et Patrick Stewart ont tous les deux joué dans deux pièces de théâtre à l'affiche en même temps. Mon ami Matt m'a appelé pour savoir si je voulais assister à No Man's Land ou à Waiting for Godot. J'ai choisi Godot parce que j'en avais déjà entendu parler. Les billets s'envolaient vite et, comme on n'a pas toujours ce qu'on veut, on a eu deux billets pour No Man's Land. Ils étaient cher et très, très loin de la scène.

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Matt a proposé d'aller dans un restaurant de sushis avant la pièce, vers 18 h 45. Il m'a demandé si j'avais vu le documentaire Jiro Dreams of Sushi. « Bien sûr », ai-je menti. Pas loin du théâtre, il se trouve qu'un des protégés de Jiro avait ouvert son restaurant de sushis. Des sushis supposément sublimes. C'était décidé : on se remplirait de poissons crus avant d'aller regarder Magneto et Professor X réciter des mots d'un autre âge.

L'immeuble dans lequel on est entrés était banal. Un agent de sécurité nous a informés que le restaurant se trouvait au troisième étage. Arrivés au restaurant, on a traversé un rideau rouge pour entrer dans une salle à manger vide. Toutefois, le personnel nous a accueillis de façon vraiment très aimable.

On nous a informés que le protégé de Jiro, Toma, était là et suggéré de nous asseoir au comptoir. Matt ne tenait plus en place. Un magicien du sushi en personne préparerait des merveilles devant nous. Comme j'aime aussi les sushis, j'étais déçu qu'on ait seulement une heure devant nous.

Nous avons commencé par le thon. Ensuite, on est passés à l'exquis thon gras. Après chaque rouleau, le personnel enlevait nos assiettes et en apportait de nouvelles, ainsi que de nouvelles serviettes chaudes. On nous recommandait d'éviter les baguettes et les sauces. (Même la sauce soya!) C'était comme être sur Mars. Ou peut-être au Japon.

Toma était flanqué d'un assistant qui lui ressemblait comme un frère jumeau, mais en plus petit, comme s'il était le suivant dans une série de poupées russes. Ensemble, ils préparaient notre meilleur repas de sushis à vie. Jamais je ne trouverai mieux. Après chaque plat, Toma notait un chiffre dans un petit carnet, se tournait vers nous avec un large sourire et suggérait un autre spectaculaire délice.

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L'uni était particulièrement bon. C'est de l'oursin. Il avait une consistance infiniment douce : imaginez du yogourt gelé au goût de dessous de voilier. J'ai adoré. Et aucune inquiétude au sujet de la fraîcheur, car Toma coupait des oursins vivants en deux devant nous.

Un moment donné, Matt s'est tourné vers moi et m'a dit : « Ça va sûrement nous coûter un bras. » J'étais d'accord : les sushis étaient fantastiques et le service impeccable. Je n'avais jamais autant aimé un restaurant. Pour un repas de cette qualité, on était prêts à lâcher 100, peut-être même 150 $.

Quand la facture est arrivée, on a retenu notre souffle avant d'ouvrir l'étui en cuir pour révéler le total. « Ce sera plus cher que nos billets », ai-je lancé à la blague. On l'a ouvert ensemble, comme si c'était une enveloppe aux Golden Globe.

Un, un, zéro, zéro. Mille cent dollars. 1100 $.

Ma première réaction a été de penser que c'était une erreur. J'ai demandé si on pouvait avoir la facture en vrais dollars américains, espérant que le montant devant mes yeux était en yens. Tout dans ce restaurant était authentiquement japonais, pourquoi pas la facture? Le personnel m'a calmement répondu que le montant de la facture était correct.

Je gagne ma vie comme rédacteur. Je ne disposais pas de 1100 $. Matt non plus. Je leur ai donné ma carte de débit, certain que les fonds seraient insuffisants. Mon compte de banque allait éclater de rire. Je voulais juste gagner du temps pour préparer une stratégie. Selon Matt, on devait leur dire qu'on n'était pas prêts à payer un prix si élevé et qu'on ne nous avait jamais prévenus qu'un seul morceau pouvait coûter 100 $! Je n'étais pas très attentif, regardant plutôt la fenêtre et me demandant quels seraient les dommages d'une chute d'environ dix mètres si j'atterrissais en faisant une roulade parfaite. Pourrait-on se relever et courir?

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Matt avait un autre plan. « Voici ce qu'on va faire. Je vais tout mettre sur ma carte de crédit. Ensuite, j'appellerai la compagnie de crédit et je contesterai la transaction. »

Quand on nous a annoncé que la transaction avait échoué, Matt a donné sa carte. Ensuite, il s'est tourné vers moi et a enfoncé le clou : « Merde. On ne peut pas leur donner de pourboire. » Il avait raison. Le service avait été parfait. Vingt pour cent de 1100 $, c'est combien? Le double de ma facture d'épicerie pour la semaine.

Les sushis étaient excellents. On a bien mangé. Vraiment très bien mangé. En plus, c'était un repas très sain. Je me sentais prêt à courir des kilomètres ou à soulever une voiture de quelques centimètres par le parechoc. En y repensant, je crois que je n'ai pas été malade pendant un an après ce repas.

Par contre, j'avais encore un peu faim. Je me sentais comme on devrait se sentir après un repas : bien. Mais, étant d'origine italienne, je n'ai pas l'impression d'avoir fini mon repas tant que je ne marchande pas avec Dieu, plié en deux à cause du mal de ventre. En marchant vers le théâtre, Matt continuait de grogner : « Je vais contester, c'est tout, je vais contester la transaction… » Je me suis arrêté au guichet automatique, j'ai retiré une très grande portion de mon compte d'épargnes et lui ai payé la moitié du repas.

En fin de compte, il semble qu'on ne puisse pas acheter des choses qui coûtent une fortune et ensuite « contester l'achat ». Après un certain temps, Matt a fini par rembourser le montant du repas en entier. Mais les intérêts ont dépassé le coût de ses lunchs pendant une semaine.

Nous avons décidé de commander de la pizza et de regarder X-Men la prochaine fois. Quant à la foutue pièce de théâtre, je n'en ai même pas retenu un seul mot.