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Ça fait 25 ans que je suis une merde à Street Fighter

Ça fait 25 ans que je me fais systématiquement tauler, et c’est bien parti pour durer. Street Fighter, le VS Fighting et Blanka sont responsables de la plus grande frustration de ma vie.

Comme la majorité des mecs nés au milieu des années 70, j'ai découvert Street Fighter II en 1991 dans un bar en face de mon lycée. A l'époque, j'avais 16 ans, et alors que tout le monde écoutait Nirvana, je n'en avais strictement rien à foutre. De la même manière, tous mes potes se ruaient au café dès la sortie des cours - pas pour y boire des bières et encore moins pour « refaire le monde à la terrasse des cafés », comme m'avait un jour reproché mon proviseur - mais pour se mettre des taules digitales à coups de hadoukens et de shoryukens sur une borne d'arcade. Comme ma mère avait toujours refusé de me donner accès aux jeux vidéo, l'engouement me semblait un peu abstrait, d'autant que la NES de mon petit cousin me convenait parfaitement. Pourquoi aller dépenser son fric au café alors qu'on pouvait jouer aux jeux vidéo chez soi ? Mais voilà, les mecs ne se ruaient pas au café pour jouer à un simple jeu vidéo, ils allaient jouer à Street Fighter II, qui n'était pas encore sorti sur console à l'époque. Après avoir essayé de jouer, parce qu'il fallait bien y passer, j'ai compris que cette connerie n'était pas faite pour moi. J'étais déjà un peu reclus, je n'allais pas m'imposer de claquer ma tune pour me prendre des perfects devant des mecs qui me regardaient déjà de travers par ailleurs. J'ai toujours été une bite en sport, mais là je ne pouvais pas repousser la faute sur mes pieds plats. Pourtant, c'est en jouant à Street Fighter II que j'ai découvert celui qui allait devenir l'un de mes héros préférés : Blanka.

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Blanka est une sorte de macaque vert électrique dont l'histoire tragique tient plutôt du ridicule : le petit Jimmy s'est écrasé en avion dans la forêt amazonienne. Sujet d'expériences à base d'anguilles électriques menées par Shadaloo pour créer un super soldat, il en est sorti transmuté et obligé de se nourrir de chlorophylle afin de se dissimuler dans les feuillages de sa jungle hostile.

Mon amour de Blanka m'a poussé à rejouer à

Street Fighter II

à sa sortie sur Super Nintendo, puisqu'il s'agissait fatalement du seul jeu qui permettait de le contrôler. Il a dès lors fallu que je me rende à l'évidence : j'étais absolument nul à ce jeu, et mon obstination à choisir le combattant fluo n'allait pas aider. Si j'arrivais à placer quelques coups spéciaux avec certains personnages plus simples à maîtriser, impossible de sortir autre chose qu'une

rolling attack

et quelques éclairs avec Blanka, qui possédait cependant l'attaque la plus cool de tout le jeu : la morsure (même quand le sang a été remplacé par de la gelée verte, je continuais d'attaquer à la gorge tous mes rivaux avec un plaisir jamais amoindri, mais avec une maîtrise toujours assez brouillonne). Et pour cause, non seulement Blanka fait partie de ces personnages « avant/arrière » assez chiants à gérer, mais la technique en Z qui les accompagnerait plus tard m'a toujours, TOUJOURS échappé.

Autant dire que Blanka n'était clairement pas conçu pour une grosse pipe comme moi, qui aurait été bien plus à l'aise en utilisant Ryu et ses pauvres attaques en arc de cercle, mais comment y échapper ? Au fur et à mesure des itérations du jeu et du développement des jeux en VS, Blanka demeurait le personnage qui faisait qu'à mes yeux, la licence Street Fighter prévalait sur toutes les autres. Mortal Kombat était marrant, mais pas assez fluide. King of Fighters ne possédait aucun perso aussi cool dans son roster (les producteurs de Street Fighter avait eu le bon sens d'ajouter Blanka à leur jeu pour échapper à un casting 100% humain, fatalement chiant). Tekken aurait pu s'en tirer avec les honneurs si seulement il avait été en 2D. Il a fallu que j'attende Guilty Gear pour me dire que je pourrais aller voir ailleurs. Le jeu contenait quelques personnages qui pouvaient rivaliser en termes de classe avec Blanka, mais je continuais de me faire humilier par l'intégralité de mes potes – et désormais de leurs enfants – et au final, aucun personnage n'arrivait à la hauteur de la sauvagerie de Blanka. Il suffit de le voir dans Street Fighter IV avec sa tenue d'explorateur pour comprendre que ce mec a absolument tout compris à la vie. Blanka EST la vie. Une vie un peu contrite, une vie de paria méprisée de tous, et des joueurs les premiers (du fait de son utilisation un peu reloue, de sa relative lenteur et de ses facultés presqu'exclusivement effectives au close combat, il ne figure quasiment jamais en finale de tournoi), mais pas de moi. Il a beau être devenu l'équivalent d'une icône nationale au Brésil, et être un des personnages de jeu vidéo les plus populaires au monde, j'ai l'impression d'être le seul à continuer de croire en lui.

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Quand Street Fighter IV est sorti, j'ai pensé que mon heure de briller était venue, et que j'allais enfin offrir à Blanka les victoires que je lui devais depuis tant d'années. En découvrant le jeu et son mode en ligne, j'ai décidé que j'allais me mettre sérieusement au VS fighting. J'ai chopé un stick – convaincu qu'il allait me permettre de placer les Ultra de Blanka les doigts dans le nez – et que j'allais pouvoir devenir bon, après tant d'années à m'escrimer sur le premier VS en 2D venu, intimement persuadé que ce genre m'était destiné. Mes potes bien meilleurs que moi avaient beau me répéter que Street Fighter ne se jouait pas comme Tastunoko VS Capcom Ultimate All-Stars, où taper comme un malade sur un seul bouton suffisait à placer n'importe quel coup, je m'évertuais à faire preuve d'un manque de discipline absolu, seul outil qui me permettrait d'atteindre le but que je m'étais donné. De fait, l'entreprise s'est soldée par un échec cuisant. J'étais incapable de déclencher le moindre Shout of the Earth. Le peu de fois où c'est arrivé en mode training, je ne le trouvais pas très gratifiant par ailleurs, au vu des facultés divines qu'il semblait nécessiter. Enfin, maintenant que je pouvais jouer en ligne, le constat de ma propre nullité se confirmait combat après combat. Pour tenter de déjouer le destin, il m'arrivait parfois de me replier sur Evil Ryu ou Chun-Li, profitant de la vélocité de cette dernière, qui manquait cruellement à Blanka. Le jeu m'apprenait par ailleurs que celui-ci était un pote de Dan, de loin le personnage le plus ramasse de tout Street Fighter. J'étais un peu deg que les auteurs du jeu offrent, en plus d'un destin particulièrement sinistre et d'un gameplay à chier, les potes les plus pourris qui soient à Blanka. Puisqu'évidemment, depuis le temps que je constatais être le seul à porter un peu d'intérêt à cette pauvre créature, je n'ai pas pu m'empêcher de faire un transfert. Ouais, ce gros blaireau en kimono rose tout à fait médiocre, c'était moi. Mais Blanka était mon homie.

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Dépité, mais pas désespéré, j'ai continué de jouer à Street FIghter IV et ses suites (je me réjouissais du cross over avec Tekken, mais aucun perso dans le roster n'était encore en mesure de remplacer Blanka, qui en était, lui, absent au début) en prenant soin de désactiver les demandes de combat impromptues, et évidemment, l'annonce de la sortie de Street Fighter V n'a pas manqué de m'exciter. Jusqu'à ce que j'apprenne que Blanka serait absent de son roster. De base tout du moins. Grossière erreur de casting, me suis-je dit, d'autant que NetherRealm avait eu le bon goût d'inclure Jason, Leatherface et Predator aux combattants de leur Mortal Kombat X (ultra bien et vachement facile d'accès pour un gros nul comme moi). J'ai même signé une pétition sur Change.org pour légitimer son retour. Résultat : moins de 70 signataires. J'ai néanmoins chopé le jeu dès que j'ai pu, et je joue d'arrache-pied depuis 3 jours. D'abord pour voir s'il me permettra enfin de m'améliorer, et surtout pour jauger s'il possédait un personnage capable de palier l'absence – insupportable - de Blanka.

Dans SF V, trois personnages sont censés faire le job. Laura, la Brésilienne à la coupe improbable qui porte un costume vert et électrocute ses adversaires. Elle est plutôt pas mal, mais elle se joue comme Blanka, et comme elle n'est pas Blanka, je n'ai aucune envie de faire d'effort. Il y a Necalli, qui partage la sauvagerie de Blanka, ses attitudes et sa lourdeur. Il pourrait me plaire si d'entrée il portait le costume vert qu'on lui voit dans son mode Story, d'autant que quand ses cheveux se chargent d'un truc bizarre, il devient assez flippant. Mais sans son apparat vert, il ressemble juste à un H.R. blanchi sous stéroïdes.

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L'auteur en train de se faire salement tauler avec Necalli, qui a "un bon look de Blanka" mais "n'est pas Blanka".

Enfin, il y a Nash, qui partage un lien éloigné avec Blanka, puisque dans le film Street Fighter – dans lequel Blanka était encore traité comme une sous-merde - le pote de Jean-Claude « Guile » Van Dame, Charlie (Nash, dans le jeu) est transformé en Carlos Blanka. Nash a un finish super Mortal Kombat dans Street Fighter V, mais il se bat comme Guile, et à part ses Sonic Boom et son look, je n'ai jamais trop aimé ce personnage. Au final, grosse frustration. C'est avec lui que j'avais décidé de me battre en ligne – puisque le jeu ne propose, en gros, que ça pour le moment – mais à force de me faire à nouveau humilier comme une pauvre pipe, j'ai décidé de me rabattre sur Cammy, qui me rappelle Kylie Minogue et me permet de gagner facilement quelques combats.

Avec Nash, même combat. C'est une nouvelle taule. Avec un finish en alpha prime.

Je ne sais pas si je continuerai à jouer si Blanka demeure bel et bien absent de Street Fighter V. Street Fighter a beau rester le meilleur jeu de baston du monde à mes yeux, il a une toute autre saveur sans mon personnage préféré. En plus de ça, son contenu rachitique à sa sortie ne va pas vraiment me pousser à m'amuser ou à m'entraîner sérieusement avec les autres personnages vers qui je pourrais accepter de me tourner. Heureusement, depuis peu, je m'éclate sur Zoo Keeper en ligne. J'ai choisi de jouer avec le crocodile, un autre bonhomme vert, mais je suis toujours aussi nul que sur Street Fighter. J'aimerais croire que j'ai encore jeté mon dévolu sur le personnage le plus chiant à utiliser. Mais je crois que je me leurre un peu. Dans mon histoire avec Blanka, au fond, ça n'a jamais été lui le problème.