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Music

Igor Cavalera nous raconte comment il est passé du metal à l'acid house

De Sepultura à Mixhell en 15 étapes faciles.

Quelles sont les solutions qui s’offrent à vous après un gros succès dans la scène metal ? Vous pouvez bricoler un album tout pourri sur la poésie allemande et les putes avec Lou Reed. Ou bien vous pouvez amorcer un virage à 360° comme Igor Cavalera. Igor a passé une grande partie de sa carrière à semer chaos (A.D.) et désolation à travers le monde derrière le kit de batterie des géants brésiliens de Sepultura, menés par son frère Max, avec qui il a par la suite fondé Cavalera Conspiracy en 2007. Tout pour la famille.

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Puis il en a eu marre de tout ça, et s'est essayé à l'acid house avec sa femme Laima, une meuf cool. Signés sur Boys Noize Records depuis 2009, leurs lives (avec Igor à la batterie, évidemment) ont créé le choc et la surprise chez les fans de dance comme chez les fans de metal. On a rencontré Igor et Laima pour qu'ils nous parlent de ce projet insensé : Mixhell.

Noisey : Qu'est-ce qui t'a fait abandonner ta carrière dans l'un des plus gros groupes de metal au monde pour commencer ce projet acid ?

Igor :

Je trouvais que la musique (surtout metal et hardcore) était vraiment devenue chiante à une époque. Il ne se passait plus rien d'excitant. Evidemment, il y avait toujours des bons groupes à droite à gauche, mais en tant que scène, ça n'avait plus rien à voir avec ce que j'aimais.

Laima

: Tout se ressemblait.

Igor

: Ça devait arriver. Il y avait un système installé, le groupe enregistrait un album, puis partait en tournée et les gens savaient précisément ce qui allait se passer. Tu montais sur scène, tu jouais quelques vieux morceaux et tu rentrais chez toi. C'était bien trop chiant. À cette époque, Laima travaillait au Museum of Modern Art, j'ai commencé à y aller et je me suis dit que je devrais peut-être y chercher un job. J'en avais ma claque de la musique en général.

Laima

: Mais à chaque fois qu'il venait au musée, tout le monde l'arrêtait et lui demandait un autographe. Il n’aurait jamais pu avoir un job normal ! Il a donc commencé à faire des DJ sets au Brésil, la musique qu’il passait surprenait beaucoup de gens (venant de lui), et il s'est fait beaucoup d'ennemis.

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Ils te bookaient en tant que DJ avec la mention « le mec de Sepultura » ?

Igor :

Ouais c'est ça. La première fois, j’ai joué dans une « soirée rock », dans un club techno, le genre de club où les gens vont voir leurs idoles passer la musique qu'ils aiment. Et j'ai joué du hip-hop mexicain toute la nuit. Les gens ont détesté. Je me suis dit que je tenais un truc. Ne pas faire ce que les gens attendent de toi est devenu ma ligne directrice. C'était quelque chose d'excitant et de stimulant. Bien sûr, les promoteurs étaient furieux, genre « mec, tu viens de ruiner ma soirée ! ».

Vous fréquentiez les clubs quand vous étiez au Brésil ?

Igor

: C'est comme ça que Mixhell est né. Laima et moi n'avions rien prévu. On m'invitait encore à toutes ces soirées, j'y ai emmené Laima et on a commencé à passer de la musique que les gens allaient encore plus détester. Elle mettait des trucs complétement girly en plein milieu d'un set et les gens se disaient « C'est quoi cette merde ? ». Ça m'a beaucoup intrigué. On jouait en back to back, puis on a commencé à faire nos propres sons, plutôt que de se contenter de passer de la musique. Et c'est comme ça que le projet a débuté.

Laima

: Des groupes comme Simian Mobile Disco, Justice, Soulwax faisaient la même chose à l'époque.

Igor

: C'était très drôle de voir que tous ces gens dans le monde entier faisaient ça : Soulwax en Belgique, James Murphy à New York… On a eu la même idée au même moment. Je n'étais pas seul, tout prenait du sens. J'allais faire de la musique électronique mais avec un côté rock.

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Laima

: Quand on a vu Justice en live, c'était plus metal quand les concerts de metal !

Igor

: Ouais, la semaine dernière, je suis allé voir Slayer. Evidemment, ils sont géniaux mais le concert était chiant. C’est comme ça maintenant.

C’est quoi le plus intense – une rave ou un concert de rock ?

Igor :

Ça dépend des fois. Que tu sois à Berlin, à 4 ou 5 heures du matin, ou à un festival dans la journée. Tu ne peux pas prédire ce qui va arriver quand les gens sont vraiment à fond dans la musique.

Quelle a été la réaction des fans de Sepultura ? Certains viennent vous voir ?

Igor :

Ouais, c'est bizarre. Au début, j'ai reçu des menaces de mort, certains disaient « ce type est devenu un putain de gay ». Passer du metal à la musique électronique, c'était passer d'un extrême à l'autre. Ça m'attirait, parce que quand on a fondé Sepultura, c'était la même chose. On était des kids complètement fous qui jouaient du thrash metal au Brésil. Personne n'a compris. J'aime que les gens ne comprennent pas ce que je fais.

Que font les fans de Sepultura en club ? Ils dansent ?

Igor

: J'ai vu des kids du black metal avec le maquillage de rigueur en club. Je pensais qu'ils étaient venus pour me tuer ou qu'ils allaient foutre le feu.

Laima

: Ils sont là bien avant qu'on arrive pour mixer, avec des tas de vieux disques de Sepultura pour les faire signer à Igor.

C'est quoi la pire réaction que tu aies reçu de la part d'un fan ?

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Igor :

Quand tu as l’audace de recommencer un projet à zéro, tu ne comprends pas forcément ceux qui te disent que tu ne fais que de la merde et qu'ils détestent ça. À l'époque de Sepultura, il y avait des kids qui venaient et nous disaient qu'ils n'aimaient pas notre dernier morceau. Toi tu te dis juste « OK, tant pis ». Il n'y a plus de confrontation physique maintenant, tout se fait derrière l'ordinateur.

Laima

: La personne la plus honnête que je connaisse c'est le coiffeur d'Igor. Il déteste vraiment ce qu'on fait, « je déteste votre techno, ce que j’aime moi c’est le rockabilly ». Mais il aime toujours venir, parce qu'il trouve ça drôle. Il vient en club et il se prend une cuite. Il s'est pété le nez à notre dernier concert.

Certains ont déjà lancé des circle pits pendant vos sets ?

Igor

: Haha, non. On a joué à SXSW, ils ont voulu nous faire passer entre les groupes de la scène metal. Il n’y a pas eu de mosh pit – en fait c'était tout l'inverse. Les kids disaient « Vous en avez encore pour longtemps votre merde techno là ? Magnez-vous, Motörhead va jouer ! ».

Laima :

On a aussi joué entre Justice et Digitalism, un set un peu plus rock.

Igor :

Quelque soit l'endroit où l’on joue, on n'est jamais à notre place.

C’est une grosse inspiration pour vous un groupe comme Prodigy ?

Laima

: Ouais, on s'est intéressé tôt à Prodigy et aux Chemical Brothers.

Igor

: Prodigy, je les ai vu en concert un paquet de fois, et c'était plus pour les effets visuels. Le mec ne faisait pas grand-chose en plus. Si on voulait faire un truc dans ce genre, on le ferait différemment. Pour que les gens ressentent vraiment la batterie, que ce ne soit pas seulement de l'artifice.

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Laima

: On a mis du temps à mettre en place la batterie pour nos concerts. Les kids voulaient voir Igor à la batterie, on voulait que ce soit impeccable.

Igor

: On ne voulait surtout pas que ça ait l'air d'un gimmick.

La Roland 303 est un outil classique pour faire de l’acid, c'est une machine toute simple mais tu peux faire tellement de choses avec. Comment vous y êtes-vous pris avec la batterie ?

Igor

: C'était un cauchemar. Tout le monde sait que la 303 est une machine hyper difficile à utiliser.

Laima

: C'est comme une fille. C'est compliqué, ça peut faire plusieurs choses à la fois. J'en rigolais avec Joe de Hot Chip la dernière fois. C'est vraiment long et pénible à programmer. Si tu veux composer en ne partant de rien, c'est assez cool, mais tu dois faire attention à bien garder le tempo. Tout se fait manuellement. Aujourd'hui, tu peux tout faire avec les ordinateurs, on dirait que cette machine te fait remonter au temps des dinosaures. Mais quand tu entends le son qui sort, tu te dis que ça en vaut quand même la peine.

Igor

: Essayer de recréer certains sons a été difficile, surtout pour les sons très purs. Le mouvement acid house est généralement perçu comme un truc punk rock. À un moment c'est devenu un mouvement très général, mais les racines sont toujours les mêmes.

Laima

: L'acid house a réutilisé les synthés 303 et 909. Ils sont utilisés sur la plupart des morceaux. C'est comme la basse, la guitare ou la batterie dans un groupe. Les fréquences des sons sont très similaires.

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Quelle a été la réaction du public quand vous avez joué en live ?

Laima

: Ce qui est génial avec l'acid house en live, c’est tout ce crossover. À un moment, les gens venaient voir Mixhell juste pour nous regarder et voir Igor jouer, c'était plus comme un groupe de rock sur scène. Les gens regardaient, les bras croisés. Quand on s’est mis à faire des versions plus longues de nos morceaux, avec plus de basse, ils nous ont enfin tourné le dos et se sont mis à danser.

Igor

: Le live rajoute de l'énergie. C'est à nouveau fun de jouer en live.

Mais tu continues à faire du metal non?

Igor :

Je fais encore des trucs avec mon frère, et je collabore de temps en temps avec des personnes que j'apprécie. J'ai enregistré tout un album avec un groupe de hardcore californien, Strife. J'ai encore besoin de ma dose de hardcore et de metal. C'est marrant, et je n'ai plus ce poids qui pèse sur mes épaules, les fans n'attendent plus rien de toute façon. Quand Mixhell a débuté, je jouais encore avec mon frère, il m'a invité sur un nouveau projet, et c'est comme ça qu'a commencé The Cavalera Project. On tourne un peu toute l'année. Ça me fait une pause avec Mixhell, et lui une pause avec Soulfly.

Laima

: On demande parfois à des chanteurs de metal de collaborer sur nos disques aussi.

Greg Puciato de Dillinger Escape Plan a chanté sur « Spaces », non?

Igor :

C'était bizarre, on avait fait ce morceau avec une pause en plein milieu, j'ai voulu la combler avec des cris, des bruits étranges, mais avec une voix plutôt qu'un clavier. J'ai pensé à un autre ami proche, Mike Patton de Faith No More, mais il ne savait pas quand il allait revenir en studio. Et puis j'ai pensé à Greg. Quand il nous a renvoyé les enregistrements, ils nous a dit « j'ai fait un peu plus que crier, j'espère que ça vous plaira ». C'était incroyable, il chantait. Il a transformé ce morceau instrumental en un morceau complétement différent.

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Laima

: Ça sonnait un peu comme Depeche Mode.

Igor

: Même les fans de Dillinger n'ont pas compris ce qu'il faisait.

Comment avez-vous rencontré Boys Noize ?

Laima

: On était en tournée avec Soulwax, et Boys Noize s'est retrouvé à traîner avec nous. Igor a beaucoup dealé avec les labels durant sa carrière, c'est pour ça qu'il ne voulait pas signer trop vite. On a d'abord sorti un EP chez Kitsuné, et finalement Alex (de Boys Noize) nous a invité sur son label pour sortir le LP. On a accepté car c'est un super pote et qu'il gère bien ses affaires.

Igor

: Le label était très tourné vers la techno et la musique qui marchait en club. Quand on lui a envoyé l'album, on ne pensait pas qu'il allait aimer, parce que ce n'était pas vraiment conçu pour les clubs. D’où les remix.

Laima

: Cette année là, il a aussi sorti Chilly Gonzales et Spank Rock, donc ça collait bien.

Et Gui Boratto ?

Igor

: C'est un très bon ami. Il a connu Laima en premier. Je lui ai fait écouter l'album en lui disant qu'on avait quelques problèmes pour le mixage. On avait besoin de quelqu'un pour nous aider à s'organiser. Il nous a répondu qu'il n'avait pas le temps. Plus tard lors d'un dîner on lui en a reparlé en lui présentant notre concept. Une heure plus tard, il m'appelait pour me dire qu'il allait trouver du temps pour nous filer un coup de main. La seule chose qu'on a eu à faire, ça a été de lui payer des sushis.

Suivez Mixhell sur Twitter - @therealMIXHELL

Et Lauren Martin aussi, tant qu'à faire - @codeinedrums