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​Le joueur de Ligue 1 VICE Sports du week-end : Souleymane Camara

Un but, une passe décisive, une vie dédiée au banc de touche. Ça force le respect.
MHSC

Son geste technique favori, il l'a effectué un peu plus tôt que d'habitude. 38e minute : les chiffres s'affichent en vert sur le panneau lumineux du quatrième arbitre. 19. Souleymane Camara entre en jeu pour Montpellier en remplacement du défenseur Mathieu Deplagne. Le coaching de Rolland Courbis a pour but de déstabiliser Guingamp, qui mène 1-0 et qui se retrouve tout juste à dix après l'expulsion de Nicolas Bénezet.

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Camara connaît la rengaine : c'est le joker de l'équipe, le supersub, il est censé marquer des buts en fin de match, histoire de montrer comment on fait à ses coéquipiers qui galéraient jusque-là. Et c'est ce qu'il a encore fait samedi soir : 54e minute, un coup de tête sur un centre de Boudebouz, et il remet les deux équipes à égalité. C'était presque couru d'avance. Huit minutes plus tard, il récupère le ballon hors-jeu à l'entrée de la surface, fait une passe à Ninga, lui-même hors-jeu. Le Tchadien marque, le but est accordé. Le travail est fait, plus ou moins proprement, comme à chaque fois avec Camara.

Souleymane Camara devrait être inscrit au patrimoine mondial de la Ligue 1. C'est l'un des derniers vestiges d'une époque révolue : Camara a débuté sa carrière en 2001-2002 à Monaco. 18 ans, partenaire d'attaque de Shabani Nonda et de Marco Simone. Et quinze ans plus tard, il est toujours là, à 32 ans, fringuant comme jamais. On devrait le célébrer toutes les semaines, il devrait être invité chez Drucker et France 2 devrait lui consacrer une soirée spéciale. Mais non, il n'est considéré que comme le joueur le plus lambda du championnat.

Une anomalie temporelle. Camara a commencé sa carrière à une époque où la Ligue 1 s'appelait encore D1 et où on jouait à 18 équipes. L'Olympique lyonnais n'avait encore jamais été champion de France. Pierre Laigle jouait encore. Le 11 septembre n'avait pas eu lieu. Bref, disons tout simplement que le monde était encore jeune et innocent, comme devait l'être Souleymane à l'époque, ne sachant pas ce que le football français lui avait réservé.

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Il aurait dû s'en douter. Son premier match en première division se déroule le 28 juillet 2001 et Monaco perd 1-0 contre Sochaux et Marcelo Trapasso. 84e minute, Camara rentre. Eh oui, Camara a joué son premier match en D1 comme remplaçant, une malédiction qui le poursuivra durant toute sa carrière. Il ne marquera pas cette fois-là. D'ailleurs il ne marquera pas beaucoup cette saison-là, ni les saisons suivantes d'ailleurs. En fait, Camara a même un début de carrière assez naze, avec une quarantaine de matches joués sous le maillot de Monaco pour sept petits buts, avec même dans le lot un prêt à Guingamp où il ne marquera que 2 buts en 13 matches. Pas très convaincant pour un attaquant.

Pas étonnant donc que l'ASM s'en sépare en 2005, pour le vendre à Nice. Là, pareil : nul. 1 but en 31 matches. Il restera deux ans, avant de tomber sur le club de sa vie : le Montpellier Hérault Sporting Club. Le club est alors en Ligue 2, il y inscrit 11 buts durant sa première saison en 2007-2008, six la suivante, et après c'est la Ligue 1.

N'oublions jamais que Montpellier a un jour remporté le championnat de France. Souleymane Camara était là.

Il commencera alors à occuper sa position préférée, celle du joueur du banc de touche. Il deviendra l'esthète des supersubs, celui que les supporters de la Paillade regardent avec espoir quand ils ont les boyaux noués d'être menés au score. Et lui s'en accommode plutôt bien. À 32 ans, Camara est encore content d'être remplaçant de luxe. C'est en tout cas, ce qu'il disait à So Foot en avril dernier : « Cinq minutes sur le terrain, cela reste un privilège. Il faut penser aux autres sur le banc qui n'ont pas eu la chance d'entrer en jeu, il faut les respecter. » Bon esprit.

S'il voulait être plus souvent titulaire, peut-être qu'il faudrait qu'il commence déjà par arrêter de planter à chaque fois qu'il rentre en cours de match. 18 buts après une entrée en jeu sous le maillot du MHSC depuis 2009-2010, meilleur remplaçant actuel, huit pions devant son poursuivant selon OptaJean. Quand Philippe Carayon de Canal + pète un câble en l'appelant "le meilleur remplaçant du 21e Siècle" après son but contre Marseille la semaine dernière, il n'a pas tout à fait tort. Si on devait consacrer un biopic à Souleymane Camara, il serait rempli de plans fixes sur le Sénégalais emmitouflé dans une couverture, assis sur le banc. Et pourtant, ce serait quand même un biopic passionnant, avec des twists dans le scénario pour chaque cours de match renversé par le Montpelliérain.

En plus de son statut de meilleur remplaçant du 21e Siècle, Camara pourrait aller récupérer un autre titre individuel dans les mois à venir. Celui de meilleur buteur de l'histoire du Montpellier Hérault Sporting Club. Camara en est effectivement à 64 réalisations sous le maillot montpelliérain, ce qui en fait le troisième meilleur buteur à l'heure actuelle. Encore sept buts, et il pourra ravir la seconde place à Jean-Marc Valadier et ses 70 buts. Après il n'aura plus qu'à marquer 9 buts pour accéder à la première place. Et qui la détient à votre avis ? Ibrahima Bakayoko ? Jean-Christophe Rouvière ? Eh bien non, rien de moins que Laurent Blanc.

Oui, Laurent Blanc a planté 80 pions avec Montpellier, pour qui il a joué de 1983 à 1991. Bon, à la base, Blanc jouait milieu offensif en deuxième division dans une époque que même Soulaymane Camara n'a pas connue. Mais il a quand même réussi la perf' d'inscrire 14 buts après avoir été replacé libéro en 1990-91. Bon, la plupart du temps, c'était en tirant des penaltys ou en marquant de la tête mais tout de même.

Ce ne serait que justice que Souleymane Camara inscrive durablement son nom dans l'histoire du MHSC, un club derrière lequel il s'est effacé, un club pour lequel il a donné de son temps de jeu, un club pour qui il a tout fait, même prendre les gants de gardien lors d'un Sochaux-Montpellier en Coupe de France en 2007-2008. C'est pour ça, pour ses qualités de joker et pour cette vie dédiée au banc de touche, que Souleymane Camara est le joueur VICE Sports du weekend.